août 2005
Mary Wollstonecraft
Dans l’antichambre du discours contemporain
Texte de présentation
*English follows
On peut se demander pourquoi Mary Wollstonecraft fait l’objet d’un numéro thématique dans une revue interdisciplinaire. L’envergure de ses connaissances et sa polyvalence méritent assurément qu’on ravive l’intérêt tant à l’égard de son œuvre que de sa personne. En effet, Mary Wollstonecraft est sans aucun doute une figure d’exception du XVIIIe siècle. Fille de révérend, elle a été gouvernante, a fondé sa propre école en plus de travailler dans le domaine de l’édition. Bien qu’elle ne fût pas instruite dans un cadre formel, cette autodidacte et libre penseur a occupé le poste d’assistante pour l’Analytical Review, revue pour laquelle elle était responsable des critiques et des traductions. Parmi ses réalisations, notons The Importance of Religious Opinions, Morality, for the Use of Children et Young Grandison, respectivement traduits du français, de l’allemand et du néerlandais. Elle fut mère avant le mariage à une époque où cette situation était inhabituelle, mais plus important encore, ses réflexions ont mis à l’avant-plan des propositions idéologiques. Malgré la nouveauté du concept des droits de l’homme, elle a réclamé avec véhémence que les femmes y fussent incluses. Lorsqu’on réfléchit un moment pour considérer l’actuelle sous-représentation des femmes en politique, on constate que ses réflexions étaient révolutionnaires. Cette dissidente rationnelle pensait toujours les choses en vue de leurs conclusions logiques.
Comme le démontrent Gough et Gibbels, Wollstonecraft est une excellente et subtile rhétoricienne. Bien que son argumentation soit soutenue, elle sait la rendre plus accessible. Calpe et Wallraven abordent chacune deux ouvrages de fiction qui ont été, pour une raison ou une autre, considérés comme des échecs. Ces deux articles illustrent bien l’importance de ses œuvres fictionnelles, qui mettent en lumière la théorisation de la religion et du genre sexuel. Les textes de Fournier et Maier traitent des implications politiques et philosophiques de sa pensée, alors que Bartlett montre, à l’aide d’un discours analytique convaincant, que Wollstonecraft refusait avec force la construction de la féminité en tant que folie. Comparatiste, Runcie présente dans son article le dialogisme intertextuel inhérent à la lecture des romans de Rousseau entreprise par Wollstonecraft.
Malgré les différents éclairages sur son œuvre contenus dans ce numéro, aucun article ne s’attarde à ses récits de voyages ni à sa biographie. Au même titre que Bartlett, qui apporte une perspective poststructuraliste sur Wollstonecraft, on se demande encore si des approches postcoloniales auraient pu stimuler ou enrichir la réflexion sur son œuvre. Dans le cadre de son étude sur la rhétorique, Gibbels traite de la traduction de Wollstonecraft en l’allemand, alors que les traductions effectuées par Wollstonecraft elle-même n’ont pas fait l’objet de propositions pour ce numéro. On peut donc considérer que de nouvelles perspectives théoriques constituent une des avenues possibles des futures études wollstonecraftiennes. Ainsi, de tels apports théoriques nous permettraient d’apprécier davantage son caractère novateur, et c’est en cela que le titre de ce numéro, « Mary Wollstonecraft : dans l’antichambre du discours contemporain », prend tout son sens.
Mary Wollstonecraft : Ushering in Contemporary Discourse
Why should Mary Wollstonecraft be the subject of an issue of an interdisciplinary journal ? She was a remarkable polymath whose work deserves more scholarly attention. Mary Wollstonecraft is doubtless one of the most interesting figures of the 18th century. The daughter of a reverend was a governess, founded her own school, and eventually began to work in publishing. Although she did not have a formal education, this autodidact and free thinker became an assistant for the Analytical Review, where she was responsible for reviews and translations. Among her translations are The Importance of Religious Opinions, Morality, for the Use of Children, and Young Grandison, from French, German and Dutch, respectively. She was a mother before she was a wife at a time when this was uncommon, but most importantly, she pushed ideological envelopes. Although the rights of man was a new concept, she forcefully argued for the inclusion of women. If we stop to consider that women, even today, are underrepresented in most polities, her thought can only be regarded as revolutionary. This rational dissenter always thought things through to their logical conclusions.
As Gough and Gibbels demonstrate, she is an able as well as subtle rhetorician. While her argumentation is relentless, she cloaks it in a mantel that makes it more accessible. Calpe and Wallraven discuss two fictional works that have, for one reason or another, been considered failures. These two contributions illustrate that they are worth reading for their theorization of religion and gender, respectively. Fournier and maier then discuss political and philosophical implications of her thought. Bartlett, in a convincing discourse analysis approach, shows that Wollstonecraft forcefully resisted a construction of feminity as illness. Runcie, in a comparatist piece, presents the dialogical intertextuality inherent in Wollstonecraft’s reading of Rousseau’s novels.
Yet with all these perspectives on her work, there were no articles discussing her travel writing or her biography. In the same manner as Bartlett, who brings a post-structuralist perspective to Wollstonecraft, perhaps post-colonial approaches could also stimulate and enrich reflection on her oeuvre. Likewise, within the scope of her study of rhetoric, Gibbels discusses translations of Wollstonecraft in German, yet none of the proposals for the current issue considered translations done by Wollstonecraft herself. New theoretical perspectives should therefore be considered as an avenue for future studies of Wollstonecraft. In so doing, they would enable a greater appreciation of the extent to which she was an innovator, which is the true meaning of this issue’s title, « Mary Wollstonecraft : Ushering in Contemporary Discourse ».
- Éditeur·rice(s)
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- L’équipe de Post-Scriptum
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- Laurence Sylvain