Écritures asémiques et lectures hésitantes
Écritures asémiques : ces inscriptions énigmatiques sont, dans les mots de Roland Barthes, des écritures illisibles – deux mots, deux univers, un lien paradoxal. Ce sont d’abord des ensembles de signes qui, parce qu’ils imitent ou évoquent des écritures, invitent l’esprit à y lire quelque chose. Mais ce sont ensuite et aussi des inscriptions illisibles, et ce que l’esprit est invité à lire reste en suspens, insaisissable et indéchiffrable, faute de retrouver dans les signes d’écriture un sens familier. Là, déjà, naît l’hésitation.
Dans Annotations, l’hésitation qui provient des signes asémiques, c’est-à-dire inventés, inconnus ou détournés de leur usage habituel, se double de l’hésitation propre à la pratique d’écriture : surlignages en couleur pour isoler et retenir l’idée en gestation, puis ratures, biffures, renoncements, reprises, ailleurs sur la page, à côté, par-dessus. L’hésitation s’inscrit dans l’épaisseur du texte, dans sa texture, littéralement. L’Art poétique multiplie par quinze l’hésitation déjà redoublée d’Annotations. Peut-être est-ce la même page de tâtonnements superposés qui se reproduit, encore et encore, pour saturer d’encre et de perplexités la feuille de papier.