Entretien avec Deirdre Meintel
Aurélie Freytag Au début de votre article, « Les croyances et le croire chez les spiritualistes » (Meintel, 2005 : 131), vous écrivez que le spiritualisme était, à ses commencements, « associé au milieu progressiste et, en particulier, au féminisme ». Pouvez-vous nous en dire plus là-dessus ?
Deirdre Meintel Le mouvement s’est développé d’abord aux États-Unis, puis en Angleterre et en France. En France, avec Allen Kardec, le mouvement s’est transformé et s’est appelé le kardecisme ou spiritisme. Aux États-Unis, le spiritualisme était associé à trois causes politiques considérées progressistes à l’époque – c’est-à-dire à la moitié du 19e siècle –, soit le féminisme, l’abolition de l’esclavage et la prohibition de l’alcool, qui était souvent associée au féminisme : pensons par exemple à l’image de la femme qui pleure parce que le mari a bu tout son salaire.
À l’époque, ces causes étaient souvent représentées par les mêmes individus. Et dès le début les femmes ont pris des rôles visibles et importants dans le spiritualisme. C’est une religion très peu hiérarchisée et qui est très axée sur les « dons spirituels » : la voyance et la guérison. On pourrait dire qu’il y a donc une certaine démocratie, une sorte d’égalité aussi puisque le rôle de médium est tenu par des gens qui possèdent un « talent », une certaine aptitude sensible et qu’à l’époque, cette capacité à la sensibilité et à l’intuition faisait surtout partie de l’éducation féminine. Dans le contexte spiritualiste, le fait d’être plus intuitive que rationnelle est évidemment un avantage ! Donc, dès le début, les femmes étaient parmi les médiums importants. Elles venaient souvent de la classe moyenne-aisée et, par la même occasion, étaient instruites et donc souvent personnellement associées au féminisme.
Voilà pour le côté historique. Mais actuellement, on trouve aussi plusieurs femmes tenant le rôle de ministre chez les spiritualistes. D’ailleurs, que ce soit du côté des ministres ou des médiums – les ministres sont toujours des médiums, mais il y a des médiums qui ne sont pas ministres – les femmes sont très bien représentées.
Aurélie Vous dites que ce sont les esprits évolués qui servent de guide aux vivants. Pourtant, la hiérarchie n’est pas présente au sein du groupe, il est même affirmé par les spiritualistes que la clairvoyance est accessible à tous. Comment s’organise cette hiérarchie des esprits ?
Deirdre On ne pourrait pas dire que les esprits sont directement hiérarchisés. Mais le spiritualisme, tel que je l’ai connu à Montréal, cherche surtout à établir le contact avec des esprits positifs et bénéfiques et c’est ce que nous appelons les esprits évolués (versus ce que l’on pourrait appeler les âmes perdues). Ces « âmes perdues » entrent parfois en contact avec les médiums : j’ai vu un cas comme ça, où il semblait que l’esprit n’était pas un guide, pas un esprit évolué, mais l’esprit de quelqu’un décédé récemment, de manière violente et qui n’était pas encore réconcilié avec son changement d’état.
Par contre, j’ai également observé des spiritistes – on les appelle en France des spirites, des gens qui suivent les enseignements d’Allan Kardec – et il y a des phénomènes qui sont très similaires à ceux que l’on peut observer chez les spiritualistes, mais l’ambiance est différente. Les spiritistes français (du moins ceux que j’ai observés à Lyon, ce n’est peut-être le cas de tous les kardecistes) considèrent comme une de leur tâche majeure de bien acheminer les âmes perdues. Ils entrent donc régulièrement en contact, selon eux – et je l’ai observé aussi dans leurs rituels – avec les esprits de gens qui seraient entre les deux niveaux (les âmes perdues, qui se trouvent encore entre la vie et la mort) et qui auraient besoin d’un peu d’aide pour être mis sur la bonne route. Par contre, le médium au centre de mon enquête, Michel, a vu à plusieurs reprises – dans des groupes où il participait avec d’autres médiums formés – les esprits de gens récemment décédés, et pas toujours les gens les plus éclairés, être mieux acheminés par les médiums. Mais ça n’est pas parmi les activités régulières des groupes que j’ai connu à Montréal, où l’accent est surtout mis sur le contact avec les guides.
Donc s’il y a une hiérarchie, c’est surtout une grande division entre les deux types d’entités : les âmes perdues et les guides. Il y a aussi les « mauvaises entités », qui sont carrément considérées comme néfastes, surtout pour le développement personnel et spirituel de l’individu les contactant. Mais ceux-là, on ne cherche justement pas à les contacter. Le seul ministre de ma connaissance qui fasse des exorcismes est Michel. Parfois il rencontre des entités considérées par lui comme négatives. Ces entités ne sont pas évoluées, mais possèdent une certaine force qui leur permet de ramener les gens à leur niveau et dans leur pouvoir. Par contre, chose intéressante, Michel ne prononce presque jamais d’interdictions ; il ne joue pas un rôle autoritaire, mais il nous prie de ne pas aller voir des « ésotériques » parce qu’il dit : « il peut y avoir des gens sincères, mais il y a aussi des mauvaises énergies. » Donc, bien que le spiritualisme puisse paraître très près de l’ésotérisme, les spiritualistes font eux-mêmes une très nette distinction et une partie de cette distinction consiste en ce que, chez les spiritualistes, l’effort est surtout dirigé vers le contact avec des guides considérés évolués.
Aurélie Les principaux guides sont souvent des esprits d’autochtones. Comment cela se fait-il ?
Deirdre Ça c’est une question intéressante, que j’ai d’ailleurs posé à Michel, mais qui me laisse intriguée depuis des années. Michel dit que les autochtones étaient assez évolués spirituellement et que nous sommes sur leur territoire, ce qui pourrait expliquer cette prédominance. Il a d’ailleurs mené, il y a très longtemps, un groupe fermé à Kahnawake et a encore là-bas un certain nombre d’amis. Il possède aussi plusieurs artefacts autochtones dans son « artillerie » lui servant à faire des exorcismes : un tomawak, des sortes de maracas, mais en forme de tortue et confectionnés par les autochtones. Il y a donc en général une grande estime pour les autochtones et selon Michel, c’est parce que nous sommes sur leur territoire.
Quand on y réfléchit, le spiritualisme s’est développé tout d’abord dans l’état de New-York, qui était le territoire des Iroquois, un des groupes autochtones les mieux organisés et les plus puissants. De plus, les Iroquois avaient des contacts réguliers avec les blancs. L’anthropologie l’a montré. Il y avait un anthropologue reconnu de l’époque – Lewis Henry Morgan – qui a eu des rapports très serrés avec les Iroquois. Il se peut donc que, dans le contexte local des débuts du spiritualisme comme religion plus organisée, il y ait eu cette influence. En même temps, quand je regarde les écrits les plus anciens que j’ai trouvés – datant de la fin du 19e siècle et produits en Angleterre par des spiritualistes anglais –, leurs auteurs aussi parlent de ce qu’ils appellent les « red Indians », c’est-à-dire les autochtones des Amériques. Donc ce sont franchement des hypothèses, on pourrait même dire de la spéculation. Mais la question reste intéressante.
Typiquement, le guide autochtone serait le portier, le guide principal de l’individu, qui laisse entrer ou pas d’autres esprits. Il nous reste un certain nombre d’écrits de spiritualistes anglais – je dirais d’entre les deux guerres et de peu après la Deuxième Guerre mondiale – et il est très intéressant de voir que très souvent, le guide principal d’un ou d’une médium est justement un autochtone des Amériques. L’importance des guides autochtones remonte donc à loin dans l’histoire du spiritualisme. Michel le présente comme un fait local, mais en réalité, de ce que j’ai pu constater, c’est assez généralisé.
Aurélie Vous expliquez que le spiritualisme n’est pas une philosophie de vie, mais réellement une religion. En effet, il s’agit d’une pratique encadrée par certains rituels (orgue, Bible, tableaux, vêtements rituels) et qui demande une discipline réelle. Pourtant, cette religion n’est pas dogmatique : en quoi ne l’est-elle pas ?
Deirdre Je dirais que j’ai découvert, depuis que j’ai commencé ces recherches, qu’il y a beaucoup de « spiritualités », comme on les appelle ici, qui, strictement parlant, au sens anthropologique, sont des religions. Cependant, les participants préfèrent le terme de « spiritualité » parce que celui de « religion » est trop fortement connoté et rappelle le dogmatisme ou la répression d’une certaine période de l’église catholique. Mais je dirais que le spiritualisme, dans son aspect non-autoritaire, ressemble pas mal, par exemple, aux groupes néo-chamaniques – mais pas exclusivement – que j’ai eu l’occasion de connaître. Chez les spiritualistes, il n’y a pas de dogme, mais ils ont ce qu’ils appellent des « principes de base », qu’ils considèrent comme des points de départ n’étant pas sujets à discussion, mais que chaque individu peut prendre ou interpréter à sa façon. Il y a par exemple ce qu’ils appellent la « loi de retour », qui dit que chaque individu est responsable de ses actions sur terre, et que tôt ou tard, il paiera pour ces actions, ce qui n’est, finalement, pas tellement différent de la notion de karma. Et comme le karma est un terme qui est beaucoup utilisé dans le Nouvel-Âge, beaucoup de gens impliqués dans la communauté spiritualiste l’ont adopté. Mais les gens peuvent aussi dire, de manière très « terrestre » et comme on dit en anglais : « What goes around comes around », de sorte que les interprétations peuvent être multiples. Mais la prémisse en soi, ce qui sert de point de départ en quelque sorte, c’est la croyance monothéiste en Dieu, en l’existence des anges et en la possibilité de contact avec les esprits. En fait, les principes de base ressemblent pas mal au christianisme en général, mais le spiritualisme laisse la possibilité aux gens de prendre ce qui leur fait du bien et de laisser le reste. Par contre, le manque de respect face à ces principes n’est pas toléré. Pour le reste, les offices sont ouverts à n’importe qui – athée ou pas – et les gens peuvent voir tout ça plus comme une affaire de développement personnel, bien qu’historiquement et empiriquement, ce soit une religion. Mais disons qu’il n’y a pas de frontière très étanche. Nous qui avons connu la religion catholique, l’islam ou même les groupes évangéliques protestants, nous sommes habitués à l’idée qu’il y a « les membres » et les autres ; mais en spiritualisme, les frontières sont très difficiles à déterminer, elles sont plutôt inexistantes, toujours très floues. Il y a certes une carte de membre, mais c’est simplement une façon d’appuyer financièrement l’église, il ne s’agit pas du tout d’une conversion. Les gens ne pensent pas à leur fréquentation religieuse en termes d’adhésion ou de confession. Il y a par exemple beaucoup de membres qui envoient leurs enfants à l’école catholique, qui fréquentent l’église catholique, mais qui viennent se ressourcer chez les spiritualistes. C’est ouvert à différentes modalités de participation.
Aurélie En ce qui concerne les esprits, leur présence, vous expliquez que, je vous cite : «les médiums ne tentent pas d’identifier les esprits qu’ils aperçoivent, ils essaient plutôt de transmettre leur message à l’intéressé » (Meintel, 2005 : 138). Le savoir, au sens universitaire, au sens rationnel si je puis dire, n’est pas du tout mis de l’avant. La foi de chacun des membres doit donc être fort solide au départ, puisqu’il n’est pas question de prouver quoi que ce soit, mais bien de sentir. Est-ce bien cela ?
Deirdre Je dirais que le contact avec les esprits est supposé guider la personne moralement – même matériellement parfois, mais surtout moralement. La guider dans la vie et l’aider à vivre les différentes expériences de la vie, y compris la mort. Mais, comme le dit Michel, « c’est pas le messager, mais le message » qui les intéresse, tandis que les spirites, en France, mettent beaucoup plus l’accent sur l’identité de l’esprit. Ils ont souvent des manifestations d’esprits de gens illustres. Le plus souvent, il semble que ce soit l’esprit de Victor Hugo qui se manifeste. Pour eux, l’aspect rationnel est très important, ils sont toujours très cartésiens, vraiment « à la française » dans le sens classique. J’ai une amie, Marion Aubrée, qui étudiait les groupes spiritistes en France. Lors de son étude, elle restait dans un coin avec un calepin, ne participait pas et se contentait d’observer. Chez les spiritualistes que je connais, une telle présence gâcherait toute l’atmosphère et la condition de ma recherche était de participer de la même façon que les autres. Évidemment, j’ai accepté de bon gré, mais pour elle, au contraire, il aurait été difficile d’accepter sa participation dans le groupe. Nous parlons beaucoup de ça ensemble et elle m’a expliqué que les spirites sont tellement axés sur le « rationalisme scientifique » qu’ils préfèrent avoir une observatrice qui se comporte vraiment comme une scientifique telle qu’ils l’imaginent, c’est-à-dire distanciée, etc. Dans le milieu spiritualiste tel que je le connais, les choses ne pourraient pas se passer ainsi à cause des logiques différentes desquelles ces groupes participent. Je dirais que le spiritualisme est très axé sur l’expérience et principalement, sur l’expérience personnelle. En fait, ce serait très difficile d’étudier de tels groupes si l’on refusait carrément d’entrer dans l’expérience, tandis que pour la plupart des kardécistes, l’accent est surtout mis sur l’identité de l’esprit et il est très important pour eux de pouvoir démontrer rationnellement, « scientifiquement » que c’est vraiment ton grand-père ou autre qui s’est manifesté. Autre différence intéressante, les spiritistes font de la notion de réincarnation une sorte de dogme, ce qui n’est pas présent chez les spiritualistes, bien qu’il y a beaucoup de membres qui croient en la réincarnation. Michel quant à lui n’y croit pas vraiment, il dit espérer que ce ne soit pas vrai. Pour lui, c’est sur d’autres plans qu’il pourra évoluer, mais il y a tout de même beaucoup de gens qui y croient.
Aurélie Ce serait, pour ceux qui y croient, un moyen d’entrer en communication avec des esprits qui pourraient revenir en eux ?
Deirdre Non, c’est juste que, concernant ce qui arrive après la mort, tous croient au progrès éternel de l’âme humaine. Ils croient à la vie après la mort et la réincarnation est en quelque sorte une interprétation particulière de cette notion de « progrès éternel ». Certains interprètent ce progrès comme ayant lieu sur terre et d’autres considèrent que ça peut continuer, mais dans d’autres univers.
Aurélie Dans « When the Extraordinary Hits Home : Experiencing Spiritualism » (Meintel, 2007) vous racontez votre propre expérience du spiritualisme. Ainsi votre statut, lors de cette étude, était en quelque sorte double. Pour vous, il était important de ne plus avoir un regard purement extérieur. Ainsi, il ne s’agissait plus seulement de comprendre un « objet », mais de comprendre et d’apprendre de nouvelles choses sur vous. Cela implique le « risque » – si réellement on peut appeler cela un risque – de faire face à votre subjectivité. Pourtant, les liens entre les membres du groupe spiritualiste semblent très forts, très solides. Est-ce que dans ce cas, l’individualité cesse de poser problème, dans la mesure où elle est toujours reliée aux autres, à une sorte de « totalité » ?
Deirdre Je ne sais pas si je comprends bien la question mais je répondrais quand même que la médiumnité est quelque chose de très individuel. Bon, des fois, il y a quand même des convergences – ce que j’appelle une nouvelle sorte d’intersubjectivité – en ce sens qu’il est possible que les médiums perçoivent la même chose, parfois jusque dans les détails et ça me fascine. Jamais je n’aurais pensé qu’une telle chose puisse m’arriver, mais ça m’arrive maintenant. J’ai d’ailleurs écrit un texte, que peut-être vous n’avez pas eu l’occasion de voir, qui vient d’un livre en français sur l’événement (Meintel, 2006) et où je parle des évènements qui marquent le parcours des gens que j’étudie ainsi que mon parcours dans cette recherche. Dans mon cas, un des événements marquant a été ma première expérience de voyance faite devant toute la congrégation. Dans le groupe fermé, on est tous des amateurs, on fait ça un peu dans un esprit de jeu, on ne se prend pas trop au sérieux. Mais quand tu es devant la congrégation et que tu sais très bien qu’il y a beaucoup de gens présents qui ont de graves problèmes de vie – des problèmes de couple, enfin, des problèmes de toute sorte –, c’est très intimidant d’être dans le rôle de voyant, même si on est classé comme « voyant-apprenti », c’est-à-dire que nous sommes présentés comme les élèves de Michel.
J’ai hésité longtemps avant d’adopter ce rôle-là, avant d’accepter d’être celle qui donne les messages devant le groupe. J’hésitais en partie parce que d’abord, comme n’importe qui, j’avais peur, mais aussi parce que c’est un rôle plus individualisé par exemple que le rôle de guérisseuse. Les guérisseurs travaillent en équipe et c’est un peu anonyme. Certes, vous êtes nommé au début de l’office de guérison, mais c’est tout. Quand aux gens, ils sont orientés vers le guérisseur qui est libre, peu importe qui il est. Mais quand tu donnes des messages en avant, c’est autre chose. Pour moi, c’était trop près du rôle de prof : être devant un groupe, être singularisé, dispenser un « savoir »… Mais, j’ai finalement accepté et ceci pour deux raisons. Premièrement, je voulais connaitre cette expérience. Quand je parlais avec les médiums qui l’avaient fait, ils disaient : « Oh ! C’est un autre type d’énergie. » Ça ne me disait pas grand-chose ! Et d’autre part, Michel m’avait demandé de le faire plusieurs fois et j’avais du mal à lui refuser un service. J’ai réalisé que de son point de vue, c’est une forme de réciprocité : tu es formé et donc, c’est une façon de donner en retour. Mais j’avoue qu’au début c’était difficile parce que ça semble mettre de l’avant ce que nous sommes, en tant qu’individu. En réalité, ce que tu découvres en le faisant, c’est qu’il faut faire abstraction de toute idée de réussite personnelle ou de capacité personnelle. Il faut carrément accepter l’idée d’être ridicule, ce qui facilite beaucoup les choses. Mais en fait, le résultat de mon expérience a été que, depuis, ma voyance a pris un certain essor. C’est comme si ça prenait un tel lâcher-prise – beaucoup plus grand que dans le groupe fermé, qui est familier et confortable – que ça a eu comme effet de relâcher quelque chose.
Mais pour revenir à la question de l’individu, je crois que, de ce que j’ai vu – et c’est très informel ce que je dis –, il est généralement convenu que différents individus fonctionnent mieux comme médiums avec certains types de voyance. Par exemple, il y a des gens excellents pour ce que l’on appelle la psychométrie, c’est-à-dire, de prendre un objet et de sentir, autour de cet objet, des choses au sujet de son propriétaire. Tandis qu’il y en a d’autres qui sont très bons à distance, ou même avec des feuilles de thé ou des boules de cristal, etc. Il est généralement accepté, de manière informelle, que même si tous les individus ont une certaine capacité, certains sont plus doués, dans les faits, que d’autres. Mais dans le groupe que j’ai étudié le plus, ça n’est pas seulement une question de don, mais aussi une question d’évolution personnelle et spirituelle. C’est-à-dire qu’une personne très déséquilibrée pourrait avoir beaucoup de capacité, mais que pour elle, jouer le rôle de voyant pourrait aussi être très déstabilisant. Donc Michel, et les médiums en général, considèrent qu’il faut un certain équilibre personnel pour exercer la voyance. Et dans un sens, je l’ai vécu moi-même, parce que quand j’étais en période de deuil, suite au décès de mon père par exemple, je ne voulais pas faire de voyance. Je n’avais pas d’énergie pour faire cela et je peux bien comprendre qu’une personne douée, mais, par exemple, très déprimée, ne soit pas vraiment en condition de jouer le rôle de voyant.
Aurélie Donc finalement, ça demande une très grande confiance en soi, d’une certaine façon ?
Deirdre En ce qui me concerne, ça demande plutôt une très grande confiance en quelque chose d’autre que moi et d’où provient la voyance. Si c’était juste moi-même… je n’ai pas assez d’ego pour ça ! Donc, c’est un acte de foi, littéralement. On peut peut-être ne pas savoir en quoi exactement, mais minimalement, c’est une foi en une sorte d’autre dimension d’où proviennent ces intuitions, ces messages. En réalité, les gens qui fonctionnent comme médiums, du moins dans ce contexte, tendent à développer une spiritualité de plus en plus importante. C’est un acte de foi d’accepter le rôle pour commencer et puis on sent aussi la foi chez les autres, pas forcément en soi en tant qu’individu, c’est une foi plus générale et spirituelle. Donc, pour moi, la médiumnité, que ce soit sous forme de guérison ou sous forme de voyance – tel que j’ai été initiée à ces activités chez les spiritualistes –, demande des actes de foi pour être capable de la faire ; pour moi au moins. Autrement, je ne pourrais pas le faire.
Aurélie Ce travail vous a aussi permis de retrouver un temps réel de l’étude. En quoi le retour à cette temporalité a-t-il changé votre perspective ?
Deirdre J’ai une riche expérience de recherches plus conventionnelles où nous avons des fonds pour un temps limité et où il faut avoir des données et des résultats dans un temps relativement restreint, ainsi que mon expérience de terrain anthropologique pendant une année dans les îles de Cap Vert, ce qui est long, mais aussi très court. Les anthropologues idéalisent les recherches intensives et étendues dans la durée et cette expérience chez les spiritualistes m’a permis de faire ce genre de recherche, puisque c’est une étude qui ne coûte rien, dans la mesure où le groupe étudié est à Montréal : il n’y a donc pas de déplacement à faire. Et puis, le temps n’étant pas compté, je n’ai pas eu à forcer les relations pour pouvoir mener les entrevues. Cette étude a aussi permis à ma propre perception et à mon expérience d’évoluer avec le temps. Parce que, c’est une chose d’interviewer un médium quand vous n’avez aucune expérience de la voyance, mais quand vous avez eu ces expériences, vu des choses inhabituelles et eu ces intuitions étranges, vous posez d’autres questions. On dirait que vous savez mieux quelles questions poser. Vous parlez un peu le même langage. Si je n’avais pas participé comme guérisseuse par exemple il ne me serait pas forcément venu à l’esprit de poser des questions sur les changements que les guérisseurs peuvent sentir physiquement en faisant de la guérison. Beaucoup rapportent des brûlements dans les mains par exemple, des picotements, des choses comme ça et comme je l’ai vécu, il m’est venu à l’esprit de poser la question aux autres. Donc pour moi, en tant que chercheure, participer à ces expériences me sert de pont vers les expériences des autres.
Aurélie L’expérience spiritualiste semble en être une de la sensation et non pas du langage. Certes, il existe un discours, mais celui-ci n’est pas séparable de la pratique en soi. Comment expliquez-vous cette relation ? Cette difficulté à mettre en mots l’expérience spiritualiste ?
Deirdre Très bonne question. Il n’y a pas de langage spécifique dans le sens où il n’y a pas vraiment de rhétorique. Quand j’ai été mobilisée comme guérisseuse pour la première fois, je m’attendais à suivre un cours. Finalement, on eu droit à un grand total de quinze minutes d’explications sur la perspective spiritualiste concernant la guérison. Moi j’ai demandé une démonstration. Je l’avais vu à l’église, mais apparemment, chacun fait à sa façon. Il n’y a pas de rhétorique pour le guérisseur ni pour les requérants. On ne sait jamais vraiment quoi faire, ni à quoi s’attendre puisque l’expérience varie d’un individu à l’autre, donc il n’y a rien qui prépare à sentir ceci ou cela. Donc, en ce sens, il n’y a pas de langage codifié. Par contre, il y a un parlé spiritualiste qui me fascine. J’avais lu un texte écrit par un anthropologue américain, qui travaillait dans les années soixante-dix et qui décrivait le discours des spiritualistes comme hermétique. À moi pourtant, il ne me semblait pas hermétique. Mais après, réfléchissant à cette idée, j’ai écouté un peu les gens dans les groupes fermés et j’ai compris que oui, si je n’avais pas participé, leur façon de parler me serait apparue hermétique. Par exemple, le fait qu’une couleur peut signifier une chose dans un contexte ou une occasion et une autre chose à une autre occasion. Il n’y a pas de recette exacte, de sorte de triangulation entre la personne pour qui tu vois la couleur, ta vision à toi. Aussi, il y a certaines phrases qui reviennent souvent, par exemple : « Ils ont dit… ». Tout le monde sait que ça se réfère aux guides, mais si je n’avais pas participé, j’aurais trouvé ça bizarre je crois. Donc il y a une façon de parler, mais ça n’est pas extrêmement codifié et l’expérience des gens n’est pas vraiment encadrée par les mots. Les gens peuvent décrire leurs expériences : ils l’ont fait pour moi dans les entrevues et j’ai pu les entendre aussi parfois dans les groupes fermés… Mais je crois que c’est vrai pour les expériences mystiques en général, on peut en parler, mais c’est comme s’il y avait une autre dimension impliquée, pour laquelle on n’a pas vraiment de mots. Il se peut que les sensations se croisent – il y a un nom pour ça, que j’oublie [synesthésie]– quand par exemple les mots ont un parfum ou quand on associe un son à une texture, il y a ce genre de bombardement sensoriel qui est un peu difficile à expliquer. J’ai posé la question à Michel très tôt dans ma recherche : « C’est comme ça quand tu fais de la voyance ? C’est comment ? » Il m’a répondu que c’était des paroles, des odeurs, des images, de tout. J’ai alors demandé si c’était comme des hallucinations et il a dit : « Non, normalement pas ». Ça peut être comme ça et moi-même j’ai eu de ces expériences. Il dit que quand il pratiquait la voyance dans un contexte spirituel, souvent il demandait à avoir seulement des images mentales, parce que c’est plus clair. Mais typiquement, c’est non seulement des images dans l’esprit, mais aussi parfois des odeurs, des paroles, c’est comme « multimédia » ! Et donc un peu difficile à traduire dans les mêmes mots que des expériences ordinaires. On essaie – moi j’essaie dans ce que j’écris et mes interlocuteurs essaient – d’expliquer ces choses, mais on sait par l’expérience qu’une telle description est toujours partielle.
Aurélie La clairvoyance semble être liée à une sorte de resurgissement, à une façon d’apprivoiser le réel. Cela semble être une capacité à comprendre quelque chose qui était déjà là, mais mal saisi. Il ne s’agit donc pas d’une illumination ou d’une révélation. Est-ce que cela pourrait expliquer, d’une certaine façon, la difficulté qu’il y a à parler de cette expérience, dans la mesure où les choses ne sont pas parfaitement autres, c’est-à-dire qu’elles ne changent pas de nom, mais plutôt de couleur, de texture peut-être ?
Deirdre Des fois c’est comme ça, tu vois des facettes de la réalité que tu ne verrais pas normalement. Par exemple, faire de la voyance pour quelqu’un que tu connais bien dans la vie ordinaire n’est pas la plus simple des choses. C’est plus facile quand on ne connaît rien de la personne, parce que quand on fait face à une personne amie, on doit faire abstraction de tout ce que l’on connaît de cette personne, et c’est parfois très surprenant parce que l’on voit des choses qui n’ont pas de sens quand on les lie à la connaissance ordinaire que l’on a de cette personne. La règle, c’est de le dire quand même, mais parfois, tu te sens ridicule et j’ai plusieurs fois vécu cette expérience et eu une confirmation par la suite. Ça me dit que dans la vie ordinaire, on manque beaucoup de choses. Des fois, les impressions qui normalement passent très vite apparaissent un peu comme en slow motion. Et souvent, les gens que l’on qualifie d’intuitifs agissent sans trop décortiquer leurs sensations, mais ils vont faire des choix, prendre des décisions, etc., sur la base de leurs intuitions très peu formulées.
J’ai écrit un texte qui pourrait vous intéresser, « Apprendre et désapprendre : Quand la médiumnité croise l’anthropologie », sur l’apprentissage de la médiumnité d’un point de vue anthropologique. Pour moi, c’est très comparable à la psychanalyse. Je n’ai jamais fait de psychanalyse, mais de ce que j’ai lu sur le sujet, cela me semble très lié. Rien que dans la façon dont c’est organisé. Les groupes fermés par exemple : le groupe se rencontre toujours à la même heure, ponctuellement, les mêmes gens sont là, on ne bouge pas sans permission, on ne parle pas lorsque ce n’est pas notre tour, on paie aussi, que l’on vienne ou pas. Il y a toute une série de règles, qui créent un espace très sécuritaire et assez libérateur. Et c’est là où je vois le parallèle avec la psychanalyse. Mais en ce qui concerne les premières impressions que quelqu’un peut avoir en arrivant dans le groupe, on entend souvent : « Je crois que c’est juste mon imagination ». Mais, de cette façon, on peut tout de même commencer à enregistrer des perceptions qui normalement ne sont pas présentes. La période de l’exercice de voyance est précédée d’une séance de méditation, ce qui contribue aussi à ralentir un peu les choses. Parfois, il y a une sorte de révélation. Parfois, il y a des messages au sujet d’un évènement futur dont tu n’as aucune connaissance et ça m’est arrivé aussi. Pour donner un exemple très banal (je crois que c’est dans le texte que vous avez lu), j’ai vu une fleur pour une dame, une fleur du genre Oiseau de paradis, donc, une fleur quand même inhabituelle. Je lui ai dit que je ne connaissais pas la signification de cette fleur et j’ai essayé une interprétation, qui était complètement erronée, mais la vision était juste. La dame en question est retournée à la maison et elle a reçu, pour la première et unique fois de sa vie, une fleur de cette sorte. Il arrive donc régulièrement de voir des choses concernant le futur. Comment expliquer ça en tant que chercheure ? Je n’ose pas vraiment parler comme scientifique, mais de ce que j’ai lu au sujet de la physique par exemple, sur la notion de relativité, on sait que le temps est relatif aussi. Nous, nous faisons les distinctions entre présent, passé et futur, mais c’est nous qui les faisons. Reste à savoir comment expliquer la croyance au sujet du futur ? Comme chercheure, j’avoue que je n’ai pas toutes les réponses, mais j’imagine que ça pourrait être lié à la notion de relativité du temps, et qu’en réalité nous vivons passé, futur, présent tout ensemble. Le plus souvent, je dirais que l’on voit une facette cachée des choses ou des individus. En ce qui me concerne, ce qui arrive souvent, c’est de voir des émotions que la personne ne manifeste pas, mais qui sont présentes et de voir à quoi ça pourrait être relié. Par exemple – je me considère vraiment amateure, mais bon –, une fois j’ai vu une jeune femme dans la congrégation à qui Michel avait donné un message qui pour moi était complètement banal, concernant son travail, les relations au travail, et moi j’ai reçu quelque chose de beaucoup plus fort au sujet d’un deuil. C’était un message assez lourd. Et j’avais un peu peur parce que ma stratégie au début c’était de faire attention à ce que Michel disait aux gens pour voir si ça coïncidait avec mes impressions. Typiquement, ce qu’il disait était tout à fait en correspondance avec ce que j’avais vu, mais beaucoup plus élaboré, donc ça me rassurait : « Ok, je suis sur la bonne voie ». Là, ce n’était pas en contradiction, mais c’était un niveau si différent ! Alors avec un sentiment de grande lourdeur, j’ai dit à la femme que je sentais un deuil lourd et aussi l’aide attendue de certaines personnes, mais j’avais du mal à lui dire ces choses. Je me suis dit : « Et si j’ai tort, la pauvre femme va être déprimée pour le reste de la semaine ! » Après, elle est venue me voir et m’a dit : « Vous savez, ma mère vient de mourir et c’est ses amis que je ne connaissais pas qui m’ont appuyée. » À ce moment, j’ai poussé un grand soupir de soulagement. J’ai essayé, évidemment, de ne pas avoir l’air content ! J’étais triste pour elle bien sûr, mais contente pour moi, dans le sens où j’étais rassurée. Ce que Michel avait vu était totalement juste, mais c’était un domaine de la vie complètement différent. Michel, souvent, voit des choses concernant l’avenir. Il voit les bébés avant la conception, il voit les grossesses. (En spiritualisme, on considère que l’avortement n’est pas un péché ni quelque chose d’immoral, on dit simplement que ça n’est pas le moment pour le bébé de se manifester sur Terre. Mais en ce qui concerne les grossesses, j’ai connu des gens qui ont consulté Michel et qui étaient complètement consternés d’entendre parler d’un tel évènement, mais qui ont vécu une grossesse par la suite.) Donc, je vois couramment des choses qui concernent le futur, mais très très souvent, c’est une autre compréhension du présent ou du passé. Très souvent, les gens portent un passé très lourd et c’est ça que je ressens dans ma voyance. Donc, ça pourrait être n’importe quel niveau de temps et c’est ça qui est intéressant : que passé, présent et avenir soient un peu mêlés dans l’expérience de voyance.
Aurélie Vous écrivez : « Even if I could see what is normally invisible in others, do I want to ? » (Meintel, 2007 :139) Quel statut a la volonté dans ce genre d’expérience ?
Deirdre Ça c’est une question particulièrement intelligente. Il y a un chercheur connu en anthropologie qui s’appelle Jean-Guy Goulet et qui a écrit un livre, que nous avons d’ailleurs à la bibliothèque de l’université en format électronique, qui s’appelle Ways of Knowing : je pense que ce livre pourrait vous intéresser, surtout le début et la conclusion. Jean-Guy était parmi les premiers à m’encourager à écrire d’un point de vue personnel, parce que j’avais fait beaucoup de recherches et souvent je me sentais très touchée au niveau personnel par les gens que j’étudiais, mais je n’avais jamais écrit à la première personne et je me sentais très mal à l’aise au début avec ça. C’était un peu comme faire un striptease en public ! Je n’étais pas habituée à me dévoiler de cette façon. Avec l’exercice du texte en anglais que vous avez lu, j’ai appris à plus ou moins situer cela. Ce n’est pas mon autobiographie que j’écris, mais je me dévoile dans la mesure où ça contribue à ma compréhension de quelque chose de plus large, comme l’expérience des autres, ou le phénomène de la voyance en soi et je me suis habituée à cela. Mais c’est d’abord Jean-Guy qui m’y a encouragée.
Pour lui, la voyance, la médiumnité ne sont pas seulement une question de talent : il pense que nous devons faire le choix d’ouvrir notre subjectivité ou pas. Et donc, pour lui, il y a un élément de volonté très fort. En même temps, une de mes copines qui étudie des religions comme l’umbanda (un culte de possession) m’a dit que, de son côté, elle a souvent étudié la transe dans des contextes religieux, mais qu’elle n’est jamais tombée en transe. Elle sent qu’elle est incapable de le faire. Elle ne le vit pas comme un rejet ou un refus, mais comme une incapacité. Où se trouve la vérité ? Je ne suis pas sûre. Jean-Guy a étudié des chamanes autochtones, dans plusieurs pays et contextes différents et je comprends très bien… Je crois que moi aussi, à sa place, j’aurais eu des expériences chamaniques. Pour les spiritualistes, comme je l’ai dit, les frontières du groupe sont très floues et dans un sens, c’est assez séduisant pour un anthropologue. On n’a pas à se convertir, on n’a pas à se prononcer, on a juste à suivre le courant. Je n’ai pas eu un moment de choix conscient, sauf au tout début. J’avais un peu peur de ce que j’allais voir. Et aussi, j’avais quelques lourds souvenirs de mon enfance que je n’étais pas sûre de vouloir voir – je n’étais pas sûre de vouloir tout voir. Mais je crois que là j’ai pris la décision, j’ai décidé que je voulais voir, j’ai continué avec le groupe fermé, etc. Au début, c’était difficile. D’autres ne ressentent pas ce genre d’expériences, mais plusieurs ont vu pour la première fois une expérience d’abus sexuel. Il y a certains risques personnels associés au développement de cette capacité. On s’ouvre l’esprit ! Mais on le fait aussi avec un psychanalyste et parfois avec d’autres types de thérapies. On accepte de voir des choses qui ne sont pas toujours plaisantes. Je me rappelle que, assez tôt, j’essayais de voir pour quelqu’un dans le groupe avec qui je sympathisais beaucoup et, à côté d’elle, il y avait comme une forme amorphe qui me repoussait, de sorte que je ne pouvais pas « entrer ». J’ai été obligée de le dire et ça me faisait de la peine, parce que je ne voulais pas avoir l’air de dire quelque chose de négatif à son sujet. Michel a expliqué qu’en termes spiritualistes, j’avais vu ce qu’ils appellent « une forme de pensée », ce qui est la manifestation des pensées des autres. Donc, selon lui – et c’est traditionnel pour les spiritualistes – ce que je voyais était la manifestation de pensées négatives des personnes autour de cette femme. Il arrive donc parfois de voir des choses que l’on aimerait mieux ne pas voir. Parfois ça pourrait être dans nos vies à nous, bien que, dans mon cas, je ferme la machine lorsque je ne suis pas dans le contexte du groupe ; je ne cherche pas la voyance autrement. J’ai essayé, au début. Je pensais, en bonne universitaire, que j’allais « pratiquer », mais ça me stressait horriblement. Une fois, je faisais un voyage de Toronto à Montréal, et pour jouer, je me suis dit : « Qu’est-ce qui m’attend à la maison ? Un coup de téléphone d’un ami qui m’annonce un malheur pour un de ses proches ». J’arrive à la maison et il y a un message d’une de mes meilleures amies, qui me parle d’une maladie grave qu’a son fils. Alors là, j’ai dit « no more », parce que ça devient stressant. J’ai posé la question à Michel aussi, c’était au tout début : « Est-ce que tu vois les auras des gens sur la rue Ste-Catherine ? » Il a dit : « Je pourrais, mais je choisis de ne pas le faire parce que je veux avoir une vie. » Il considère aussi que c’est immoral de puiser dans la voyance pour, par exemple, comprendre ce qui se passe chez le conjoint. Si la voyance est faite dans un but égoïste, c’est considéré comme une très mauvaise pratique, un abus. Mais, en ce qui me concerne, au début, j’avais un peu peur de ce que j’allais voir. Je crois que les choses évoluent quand vous êtes bien encadré et je considère l’avoir été. Voyance et vie personnelle peuvent évoluer en harmonie. Le danger de développer la voyance, mais séparée de tout le reste, serait de vivre des expériences que tu n’es pas encore prêt à assimiler.
En tout cas, je suppose qu’il y a eu ce moment de choix au début. Mais j’étais comme engagée à aller dans cette voie, je voulais participer aux groupes fermés. La première fois c’était comme si mentalement, je fermais les yeux, je ne voulais pas voir et je me sentais paralysée et je l’ai dit, mais après, quand j’ai réussi à lâcher prise et rentrer là-dedans… Je crois que pour moi, il y a eu au moins ce moment de choix. À plusieurs occasions j’ai eu le choix d’aller plus loin dans le processus ou pas et j’ai toujours opté pour aller plus loin. Je suppose que maintenant je me sens comme sur la route. Et je dirais aussi qu’une fois que vous allez jusqu’à un certain point, c’est un peu comme tenter de fermer la boîte de Pandore. On ne peut pas étouffer complètement la chose après.