Appel à communications

Penser la littérature pour mieux écrire l’histoire

Voies communes, tensions et rencontres dans les écritures historiennes et littéraires

English follows*

Ce colloque de Post-Scriptum souhaite aborder différentes avenues où les relations entre l’histoire et la littérature sont pensées comme source de tensions, d’interrogations ou d’influences mutuelles. Une question sous-tend l’angle d’approche : comment des textes littéraires abordent et traitent d’événements historiques, et, à l’inverse de quelle(s) manière(s) des ouvrages d’historiographie empruntent à la littérature des éléments formels ou narratifs ? Ainsi pourront être envisagés les problèmes connexes, à la fois théoriques, formels, narratologiques, épistémologiques, etc. découlant des contacts de la discipline historienne et de la littérature.

Des premières tentatives de concilier histoire et littérature au 19e siècle de Walter Scott, aux œuvres contemporaines d’auteur·ice·s comme Philippe Artières (2019) et Régine Robin (2016) qui redéfinissent les limites des genres et des disciplines, différentes voies créatives ont été déployées pour non seulement aborder l’histoire par le biais de gestes littéraires, mais également pour penser les implications épistémologiques et méthodologiques d’une telle rencontre. Face à cette réalité, différentes questions émergent : comment penser et catégoriser aujourd’hui des ouvrages qui, dans le sillage d’œuvres comme celles de W.G. Sebald, empruntent à la fois au roman, à l’essai, à l’historiographie et à la biographie? Qu’est-ce que de tels ouvrages peuvent nous apprendre sur les possibilités et sur les limites de la littérature, sur les limites de l’écriture de l’histoire? 

À cette question d’œuvre hybride entre historiographie et littérature s’ajoute une deuxième considération, celle de l’importance dans ces textes de la subjectivité de l’auteur·ice. En effet, cette subjectivité occupe une place de plus en plus centrale dans les œuvres qui nous intéressent ici. Enzo Traverso, dans un ouvrage récent sur la question (2020), qualifie de subjectiviste cette tendance : l’auteur·ice se met en scène dans son propre texte, exposant les différentes étapes de la recherche historienne et archivistique qu’iel effectue, les résultats de celle-ci étant alors accompagnés par un récit à la première personne. Cette approche ajoute une dimension narrative importante au texte, l’intrigue se déplaçant alors au niveau de l’enquête historienne ainsi menée. Les données historiques trouvées et rapportées sont présentées d’après une perspective critique qui les situent et les confrontent à la réalité contemporaine de l’auteur·ice, une dialectique importante entre passé et présent étant alors mise de l’avant, rappelant les propos de Walter Benjamin qui écrit dans une perspective similaire qu’« […] il ne s’agit pas de présenter les œuvres littéraires dans le contexte de leur temps, mais bien de donner à voir dans le temps où elles sont nées le temps qui les connaît – c’est-à-dire le nôtre. » (Benjamin, 2003 [1931])

Ainsi, le passé est considéré dans ces textes à l’aune de nouvelles interprétations qui reflètent des enjeux éthiques ou épistémologiques propres à la position contemporaine de l’auteur·ice ; le présent de l’auteur·ice est à son tour perçu d’après une perspective nouvelle qu’alimente cette connaissance inédite du passé à la fois familiale et collectif. En effet, comme c’est entre autres le cas dans l’ouvrage Lose Your Mother : A Journey Along the Atlantic Slave Route, publié en 2008, de Saidiya Hartman, ce type de textes combine recherche historique et archivistique à une écriture narrative et intimiste, cette combinaison permettant d’éclairer des zones d’ombres à différentes échelles.

En parallèle à l’histoire, ces œuvres proposent également des réflexions sur différents contextes mémoriels, notamment sur la manière dont la remémoration du passé collectif dans un pays ou une région donnée est manipulée et contrôlée. Elles reconstituent en effet à partir de témoignages et d’archives différents contextes qui, pour des raisons politiques ou autres, ont été condamnés à l’oubli ou négligés, la mémoire des victimes ayant été par exemple malmenée ou altérée. Une relecture, voire une réécriture décoloniale et/ou féministe de l’histoire peut en ce sens être proposée par des auteur·ice·s. Nous tenons donc à souligner que toutes perspectives en ce sens souhaitant contribuer à ces discussions seraient les bienvenues.

Les propositions d’articles peuvent porter sur les thèmes suivants (sans avoir à s’y limiter) :

- La thématisation ou la problématisation des relations entre l’histoire et la littéraire au sein de textes littéraires

- La représentation d’événements et de contextes historiques ou mémoriels au cinéma (fiction et documentaire) et au sein d’autres médiums artistiques

- Mémoire et agenda politique : études de contextes où la mémoire collective est institutionnalisée et manipulée

- Les différentes interactions entre mémoire individuelle et mémoire collective

- La réécriture décoloniale de certaines formes hégémoniques d’histoire

- Les œuvres hybrides entre fiction, « non fiction », journalisme et essai

- La place de l’« enquête » historienne ou archivistique au sein de fictions contemporaines

- Le rapport entre la fiction et le réel historique dans la littérature

- Les œuvres qui dans une perspective post-mémorielle abordent la transmission de trauma historique et familial de génération en génération

- Enjeux historiographiques et écriture académique de l’histoire

- Scientificité et légitimité d’une écriture littéraire de l’histoire

Nous encourageons les propositions d’étudiant.e.s de tous les cycles, de candidat.e.s au doctorat ainsi que de chercheur.e.s diplômé.e.s et de professeur.e.s, qu’iels* soient en recherche ou en recherche-création. Les communications peuvent être en français ou en anglais. Elles dureront vingt minutes et seront suivies d’une période de questions de la part du public.

Les participant.e.s potentiel.le.s doivent envoyer une proposition de 300 mots au plus tard le 15 novembre 2021 à l’adresse suivante: redaction@post-scriptum.org. Vous devez envoyer votre proposition en deux fichiers distincts: dans le premier document doit apparaître le titre de votre communication et le texte de votre proposition; dans le second document doivent apparaître votre nom, votre université d’attache, votre adresse courriel, une courte bio-bibliographie et le titre de votre communication. Les propositions feront l’objet d’une évaluation à l’aveugle par le comité de lecture.

Veuillez noter que les frais de transport et d’hébergement ne seront pas pris en charge par la revue. Aucun frais de participation au colloque ne sera demandé aux participant.e.s.

Calendrier :

15 novembre 2021 : date limite d’envoi des propositions.

Décembre 2021 : décision du comité.

21-22 avril 2022 : colloque à Montréal.


Thinking about literature to write history : common paths, tensions, and encounters between historical and literary writings

This Post-Scriptum’s conference wishes to address different ways in which the relationships between history and literature are thought out as sources of tensions, interrogations, and mutual influences. Two questions underlie this perspective: how can literary texts deal with historical events, and, conversely, in what way(s) works of historiography borrow elements from literature, both formal and narrative? Hence, problems that are related to these questions can be addressed. These problems concern the theoretical, formal, narratological, epistemological, etc. consequences of the encounters between history and literature.

From Walter Scott’s first attempts to reconcile history and literature to contemporary authors such as Philippe Artières (2019) and Régine Robin (2016) that redefine the limits of genres and disciplines, multiple creative paths were deployed not only to approach history through literary gestures, but also to think about the epistemological and methodological implications of such an encounter. From this perspective, different questions emerge: how to think and categorize contemporary works which, in the wake of certain texts by authors like W.G. Sebald, borrow at the same time from the novel, from the essay, from historiography and from the biography? What can such works teach us about the possibilities and the limits of literature and the limits of historical writing?

To this question of hybrid texts that fall between historiography and literature, another question can be asked, that of the importance, in these texts, of the subjectivity of the author. Indeed, this subjectivity occupies an increasing central place in the works that interest us here. In a recent essay on the question (2020), Enzo Traverso qualifies this tendency as subjectivist: the author shows their work-in-progess, exposing the different stages of the historical and archival research that they carry out, the results thereof being accompanied by a narrative in the first person : this approach adds an important narrative dimension to the text. The historical data found and reported are, in that way, presented from a critical perspective which situates them and confronts them with the author’s contemporary reality; a dialectic between past and present is then being put forward, recalling the words of Walter Benjamin who writes from a similar point of view that “[…] it is not a question of presenting literary works in the context of their time, but rather of showing, in the time when they were born, the time which knows them—that is, ours.”(Benjamin, 1931)

Thus, the past is considered in these texts in the light of new interpretations that reflect ethical or epistemological issues specific to the contemporary position of the author; the author’s contemporary experience is in turn perceived from a new perspective that is fed by this new knowledge of the past, both on family and collective levels. Indeed, as it is the case in works such as Lose Your Mother: A Journey Along the Atlantic Slave Route (2008) by Saidiya Hartman, this type of texts combines historical and archival research with a narrative and intimate writing, this combination making it possible to cast light on different kinds of knowledge.

Alongside history, these works also offer reflections on different memorial contexts, including how the recollection of the collective past in a given country or region can be manipulated and controlled. These texts take testimonies and archives and use them to make memorial contexts more known. Such contexts have often been for political or other reasons, condemned to oblivion or neglected, the memory of the victims having for example been abused or distorted. A rereading, or even a decolonial and/or feminist rewriting of history can in this sense be proposed by participants to Post-Scriptum’s conference. We would therefore like to stress that any proposition in this direction would be welcome.

Propositions may relate to the following topics (without having to be limited to them):

- The thematization or problematization of the relations between history and literature within literary texts

- The representation of historical events and historical or memorial contexts in cinema (fiction and documentary) and in other artistic mediums

- Memory and political agenda: studies of memorial contexts where collective memory is institutionalized and manipulated

- The different interactions between individual memory and collective memory

- The decolonial rewriting of certain hegemonic forms of history

- Hybrid works between fiction, “non-fiction”, journalism and essay

- The place of the historian or archival “investigation” within contemporary fictions

- The relationship between fiction and historical reality in literature

- Works that, from a post-memorial perspective, address the transmission of historical and family trauma from generation to generation

- Historiographical issues and academic writing of history

- Scientificity and legitimacy of literary writing of history

We welcome proposals from research and creative research, and by undergraduate, graduate, and postgraduate students, Ph.D. candidates as well as post-docs and professors. We accept talks in French or English. Each talk will be allocated 20 minutes and each participant will be given time for questions from the audience.

Potential participants must send their 300-word proposals by November 15, 2021 at: redaction@post-scriptum.org. Proposals must be sent in two distinct files: in the first file, you must include the title of your proposal and the proposal text itself. In the second file, you must include your name, your institution, your email address, a short biography, and the title of your proposal. Proposals will undergo a blind review by the reading committee.

Please note that travel and accommodation will be at the expense of participants. No participation fee will be charged.

Calendar:

November 15, 2021: Deadline for submitting a proposition.

December 2021: Final decision of the committee.

April 21-22, 2022: Conference in Montreal.

Image de couverture
Inconnu
Organisateur·rice(s)
  • François-Xavier Garneau
Date limite
Date de l’évènement
21 avril 2022