Le triomphe de la défaite

Quête et défaite spirituelles du sujet dans des récits et romans de conversion au catholicisme en Angleterre entre 1850 et 1950

Frédéric SLABY
Université de Caen Normandie

RÉSUMÉ

De Perte et gain de John Henry Newman (1848) à La Fin d’une liaison (1951) de Graham Greene, la conversion à la foi catholique se trouve, en Angleterre, au cœur d’un corpus de textes qui s’avère avoir une histoire. En dépit de disparités de forme (autobiographie spirituelle, roman de conversion) ou de fond (la conversion au catholicisme d’un agnostique, d’un athée ou d’un protestant ne rencontre pas le même type de résistance ni ne suit les mêmes étapes), ces récits présentent tous la transformation du sujet à chaque fois défait par la foi après une lutte intérieure (intellectuelle ou spirituelle). Néanmoins, bien qu’il ait pour but principal de laisser l’objet de la foi se manifester et de le représenter, ce type de récit a suivi trois étapes différentes entre 1850 et 1950 : à l’origine, récits et romans de conversion donnaient à lire la défense d’un sujet attaqué (voir l’Apologia Pro Vita Sua de Newman), puis ces récits se sont révélés être des occasions d’attaquer le monde moderne (voir les romans de Robert Hugh Benson) avant que, dans un troisième temps, les romans de conversion se trouvent finalement dépourvus de toute apologétique (voir les romans d’Evelyn Waugh ou de Graham Greene). La présence de la foi catholique dans ces textes littéraires a ainsi permis de revitaliser la littérature anglaise (qui, selon Greene, se « dévitalis[ait] ») à une époque où la question de la foi en Dieu en devenait progressivement absente.

ABSTRACT

From John Henry Newman’s Loss and Gain (1848) to Graham Greene’s The End of the Affair (1951), conversion to the Catholic faith is at the heart of a corpus of texts in England which has a history. In spite of certain disparities of form (the spiritual autobiography, the conversion novel) or of substance (the conversion to Catholicism of an agnostic or an atheist or a Protestant does not meet with the same type of resistance nor follows the same stages), these narratives have all something in common: they all present the transformation of the subject who is always defeated by faith after inner (intellectual or spiritual) struggle. Nevertheless, although it has the primary purpose of letting the object of faith manifest itself and of representing it, this type of narrative followed three different stages between 1850 and 1950: at first, conversion narratives and novels presented a defense of a subject under attack (see Newman’s Apologia Pro Vita Sua), then these narratives turned out to be opportunities to attack the modern world (see Robert Hugh Benson’s novels), and eventually conversion novels were written without any apologetics (see Evelyn Waugh’s or Graham Greene’s novels). English literature, which according to Greene had been « devitalized » since the modernists, can thus be said to be revitalized by the presence of the Catholic faith in these texts.


Introduction

Qui dit conversion religieuse dit avant cela, crise spirituelle, c’est-à-dire ce moment qui n’est pas fait pour durer et entraîne ensuite un tournant dans la vie intérieure du sujet. Comme le rappelle un critique, la conversion est une « catastrophe » (Martin, 2010 : 23)[1]. Non seulement elle est « subie », mais comme le précise René Rémond, elle est « irréductible à toute explication rationnelle » (Gugelot, 1998 : 10). En d’autres termes, le sujet dans la conversion est défait lors de cet « événement transcendant » (Martin, 2010 : 23). Toutefois, la conversion ne vient pas de nulle part (Ibid. : 22)[2]. Aussi, elle ne se fait pas sans lutte intérieure ; le combat spirituel est un motif répété dans les récits qui en sont faits. Malgré cela, chaque conversion est unique et a sa propre histoire. Pour cette raison, la conversion se prête bien à la littérature de l’intime. Pourtant, comme le rappelle François Marxer : « en général, l’homme spirituel répugne à étaler sa conversion » (Maurot, 2018). Lorsqu’il le fait malgré tout, cela peut ne pas être vain puisque, « de tels récits […] recèlent une force de contagion […]. Il n’est pas rare que le converti, volontairement ou à son insu, devienne à son tour convertisseur » (Martin, 2010 : 24).

Certain d’avoir trouvé la vérité, le converti doit faire preuve d’humilité pour faire le récit de sa vie passée dans l’erreur. Sa réticence à raconter le travail de la grâce dans sa conscience ne rencontre pas toujours le même type de réaction de la part des Églises chrétiennes qui ne les exploitent pas toujours de façon identique. Alors que les évangéliques valorisent les récits de conversion pour mettre en avant l’action de Dieu sur l’homme pécheur, l’Église catholique quant à elle préfère évangéliser d’une autre manière, sauf dans certaines époques comme au début du XXe siècle en France où la « publicité des conversions est faite au moment où le catholicisme diminue » (Gugelot, 1998 : 12). Curieusement, de l’autre côté de la Manche, c’est l’inverse — c’est en effet au moment où le catholicisme prend son essor à l’époque moderne que l’on trouve quasiment tous les récits de conversion en Angleterre. Néanmoins, ces témoignages interviennent dans ces deux pays dans un contexte de sécularisation venue des Lumières.

Cela dit, au moins deux problèmes majeurs concernant ces récits et romans de conversion sont à souligner :

  • Premier problème : du point de vue de l’intrigue, on connaît déjà la fin de ces textes avant d’en avoir commencé la lecture, ce qui a donc l’inconvénient de tuer une partie du suspense. Malgré cela, les circonstances dans lesquelles ces conversions se sont déroulées méritent de s’y intéresser d’autant plus que dans la seconde moitié du XIXe siècle anglais les conversions au catholicisme engendraient souvent incompréhension, rejet, détresse et chagrin (Maison, 1961 : 139 ; Cazamian, 1955 : 357)[3].
  • Deuxième problème : qui dit récits et romans de conversion, dit textes à caractère religieux. Or, il faut reconnaître que parmi la critique littéraire, au moins dans le domaine anglais, ces ouvrages n’ont pas la cote et sont dans l’ensemble les perdants de la période allant de 1850 à 1950. Pourquoi ont-ils été négligés ? Peut-être pas seulement pour des raisons de qualité, mais aussi pour la raison qu’il n’y a pas encore si longtemps, les objets de foi étaient considérés comme n’appartenant pas à la culture, comme s’ils étaient réservés à la sphère privée et ne délivraient pas un discours rationnel. Bien que nombre de ces textes aient été exclus de l’observation critique, ces textes ont pourtant une logique. En outre, si la postmodernité consiste en la fragmentation des opinions et si le monde n’y est plus vu sous l’angle historique, mais plutôt sous l’angle du paysage (dans lequel toute chose occuperait sa place), alors petit à petit les objets religieux sont réinjectés dans la modernité (qui a cherché à les éradiquer) et ils retrouvent ainsi un statut, même s’ils ne peuvent pas redevenir conquérants comme ils ont pu l’être par le passé et doivent rester à leur place.

Ainsi, nous nous demanderons ici dans quelle mesure on peut dire que les récits et romans de conversion au catholicisme dans l’Angleterre des années 1850 à 1950, non seulement rendent compte du triomphe de la grâce de Dieu et de la défaite du sujet, mais aussi dans quelle mesure ils représentent un phénomène littéraire[4] qui a une histoire, malgré la place plutôt modeste que ces textes occupent dans l’histoire de la littérature anglaise. 

I. Le sujet en position de défense

Le premier témoignage du triomphe de la défaite sur lequel je souhaiterais m’arrêter est celui que fait John Henry Newman (1801-1890) dans l’Apologia (1864), et ce pour deux raisons : 1/ d’abord parce que chronologiquement c’est avec lui que tout commence en Angleterre pour les récits et les romans de conversion au catholicisme, et 2/ parce qu’il n’y aura finalement pas de récit plus dramatique et épique que la conversion de Newman à l’époque moderne en Angleterre. En janvier 1863, Newman écrit lui-même dans son journal : « Comme protestant, ma religion me semblait misérable, mais pas ma vie. Et maintenant, en catholique, ma vie est misérable, mais pas ma religion » (Trevor, 1963 : 291)[5]. Ce constat est bouleversant, mais il est aussi saisissant pour la raison que Newman reconnaît la défaite du sujet (« ma vie est misérable ») et le triomphe du catholicisme (« mais pas ma religion »). En quête de vérité, il n’a pourtant pas cherché à se convertir au catholicisme. Faut-il le rappeler, Newman avait même longtemps eu une forte antipathie pour Rome. Que s’est-il donc passé pour que celui qui appelait Rome « la cruelle Église » (Turner, 2002 : 148)[6] devienne dans la deuxième moitié de sa vie le grand convertisseur de l’Église catholique en Angleterre ?

Le triomphe de la foi catholique dans la vie de Newman n’est pas une victoire à mettre à son crédit ; il est plutôt la conséquence d’une série de défaites de positions religieuses qu’il défendait, défaites qui sont dues au travail « de la puissance de l’Esprit Saint » (Dulles, 1997 : 21)[7], précise-t-il, et, comme le rappelle Benoît XVI, à « la force motrice qui […] était la conscience » (Benoît XVI, 2010)[8]. Comme Newman l’explique dans un sermon sur les « conversions soudaines », ces défaites ont certes pour effet des changements d’opinion, donc de développer la pensée, mais elles changent aussi le cœur (Dulles, 1997 : 23)[9]. Ainsi, selon Newman, l’acte de foi n’est pas le produit de la raison (Newman, 2008 : 340)[10], et, pour lui, il est la soumission de son esprit et de son cœur à la vérité qu’il a trouvée dans le catholicisme.

Newman fait le récit du périple intérieur qui l’a mené à devenir catholique dans son texte autobiographique devenu le plus célèbre des récits de conversion anglais au catholicisme. Ce faisant, il est en phase avec son temps, car si au XVIIIe siècle il était plus question d’exposer les raisons de croire, au XIXe siècle, le genre du récit de conversion « retrace l’itinéraire — étape par étape — […] jusqu’au seuil de l’Église » (Huby, 1919 : 17-18). Suite aux accusations de traîtrise et de forfaiture à l’encontre de l’Église anglicane qui sont portées contre lui par Charles Kingsley dix-neuf ans après son entrée dans l’Église catholique (Newman, 2008 : viii)[11], c’est alors que Newman écrit en toute hâte « une apologie personnelle, c’est-à-dire […] un essai de justification » (Ibid. : v) où, dit-il, il a « toujours à l’esprit [sa] propre défense » (Ibid. : vi). L’écriture de l’Apologia, « épreuve à la fois très pénible pour le cœur et pour l’esprit » (Ibid. : 244), se fait en toute bonne foi. Newman, qui ne « cherche pas à [se] disculper » (Ibid. : 337), dit tout ce qu’il peut dire de lui-même « de ses difficultés de conscience, du flux et du reflux de ses recherches et interrogations » (Honoré, 2008 : x), ses échecs. L’Apologia est ainsi le témoignage spirituel d’un homme qui montre l’œuvre de la grâce divine et le triomphe de la foi dans sa vie.

Sa conversion au catholicisme s’est faite en plusieurs étapes ; la plupart des spécialistes de Newman s’accordent pour parler de trois conversions qui sont chacune les conséquences de rejets préalables. Chez Newman, la metanoïa[12] (qui renvoie à l’idée d’un repentir, un changement de pensée, une démarche intérieure et secrète, indépendante de l’adhésion à une confession religieuse) est intervenue dès l’âge de « quinze ans (en automne 1816) » (Newman, 2008 : 120). À cette époque, John Henry est troublé par la lecture d’auteurs des Lumières[13] ; l’existence de Dieu lui est incertaine et le réel se résume à ce qui est matériellement saisissable. C’est en faisant la rencontre d’un professeur[14] qui lui prête des ouvrages calvinistes que ses doutes sont levés[15]. L’adolescent est retourné, et Benoît XVI explique que Newman reconnaît alors que « les choses sont justement à l’inverse : que Dieu et l’âme, l’être lui-même de l’homme au niveau spirituel, constituent ce qui est vraiment réel, ce qui compte. Ils sont bien plus réels que les objets saisissables » (Benoît XVI, 2010). Désormais, Newman est marqué par la présence de Dieu dans sa vie au plus profond de lui-même et il décide alors de : « concent[rer] toutes mes pensées sur les deux êtres — et les deux êtres seulement — dont l’évidence était absolue et lumineuse : moi-même et mon Créateur » (Newman, 2008 : 121). Première défaite spirituelle (celle de la « tentation de l’athéisme, du déisme, de l’humanisme autonome » [Dulles, 1997 : 25][16]), première victoire de « cette foi divine qui commençait en [lui] » (Newman, 2008 : 120) et première conversion[17].

Après avoir écarté de lui la menace des idées des Lumières, Newman doit lutter contre les idées fortes du moment qu’il nomme « libéralisme », c’est-à-dire le fait de considérer la raison humaine comme le centre et la norme de toute chose[18]. C’est la rencontre de John Keble, à Oxford, qui changera tout. À Oriel College, il découvre les Pères de l’Église qu’il lit et étudie systématiquement, ce que très peu de gens faisaient à l’époque. Cette lecture renouvelle en profondeur toute sa vision de la foi chrétienne et de l’Église comme autorité pour contrebalancer les efforts du libéralisme[19]. Dans la première moitié des années 1830, Newman va alors mener (avec John Keble, Edward Pusey et Hurrell Froude) un vaste mouvement anglican (le Mouvement d’Oxford) qui repose sur des principes antiprotestants puisque c’est en interprétant la tradition anglicane d’une manière catholique que Newman et ses amis défendent la foi contre les attaques du libéralisme. De fait, il prendra ses distances avec les caractéristiques calvinistes et évangéliques de sa première conversion. Deuxième défaite spirituelle (celle du protestantisme) et deuxième conversion.

Défendant l’idée que la finalité de l’Église anglicane est spirituelle et non politique, Newman ne fomente pas contre son Église, bien que son imagination et son cœur soient touchés par le catholicisme qui l’a impressionné depuis son voyage en Italie et en Sicile en 1832-33. En réalité, il est alors en train de mener ses auditeurs vers une autre conception de l’Église anglicane, conception qui est beaucoup plus fidèle à la tradition des premiers siècles chrétiens. À force de creuser pour chercher la catholicité de l’Église anglicane[20], à force aussi de chercher les sources de la sainteté (l’importance de la vie sacramentelle, l’importance de la vie de prière, etc.), et d’être contredit par les évêques anglicans (Newman, 2008 : 325)[21] qui se réclament du protestantisme, Newman en vient à douter de la fidélité de l’Église anglicane à l’Église des apôtres. C’est alors qu’il considère que c’est l’Église catholique romaine qui est dans la plus fidèle succession de l’Église des Pères[22]. Cette prise de conscience de l’échec de sa théorie de l’Église anglicane comme via media (Ibid. : 324)[23] l’amène alors « sur un lit d’agonie » (Ibid. : 313) et sa conversion au catholicisme n’est alors « qu’une “affaire de temps” » (Idem). Alors qu’il « n’avai[t] jamais songé à quitter l’Église anglicane » (Ibid. : 314), Newman va rejoindre l’Église catholique, non sans pertes et chagrins immenses (Ibid. : 380)[24] puisque cela implique de quitter tout ce qui lui était cher : ses amis anglicans, l’université d’Oxford (qui était réservée aux anglicans) et sa famille (Gilley, 1997 : 17)[25]. Cette défaite de la défense de l’anglocatholicisme est ainsi la troisième défaite spirituelle de Newman et signifie sa troisième conversion (celle au catholicisme, en 1845)[26].

À l’époque de son abjuration de l’anglicanisme, Newman écrit depuis la fin de 1842 son Essai sur le développement (1845) qui est la défense formelle de sa conversion au catholicisme, conversion qui est donc pour lui le résultat de l’action conjointe entre l’Esprit saint, la conscience, l’imagination et le cœur, mais aussi des rencontres et du travail de la raison jusqu’à l’acceptation de l’autorité. Cette question de l’autorité deviendra la quête même des auteurs qui nous intéressent au début du XXe siècle alors que la tradition du récit de conversion se poursuit.

II. Le sujet en quête d’autorité

Alors qu’en 1953 Graham Greene explique lors d’une conférence qu’il « est assurément désuet à notre époque d’ordonner nos pensées en fonction d’un conflit entre le Catholique et le monde » (Greene, 1953 : 13), la situation est bien différente à la fin du XIXe siècle. En effet, la tension entre le catholicisme et le monde est alors telle que dans ce contexte de rejet réciproque, « la guerre est déclarée ouvertement » (Ibid. : 13-14) entre eux deux. Faisant face à ce monde moderne au début du XXe siècle, deux convertis, Robert Hugh Benson (1871-1914) et Ronald Knox (1888-1957), écrivent et publient de manière retentissante leur récit de conversion au catholicisme : Benson publie ses Confessions d’un converti en 1914, alors que Knox publie quatre ans plus tard un récit qui selon Joseph Huby « peut soutenir la comparaison » (Huby, 1919 : 26) avec le texte de Benson : il s’agit de son Énéide spirituelle (1918). Comme dans l’Enéide de Virgile, il est question dans son autobiographie spirituelle[27] de l’histoire d’une âme qui, nous dit Huby, « abandonne […] la religion paisible, ignorante de ses fondements et de ses difficultés jusqu’au jour où […] les doutes subtils […] donnent l’assaut et la renversent et forcent [cette âme] à chercher […] la cité définitive » (Huby, 1919 : 26). Dans une époque où fleurit le récit de conversion en Angleterre, ces deux auteurs décrivent leur conversion qui s’est faite, comme chez Newman, mais aussi différemment de la sienne, de manière progressive.

Le premier des deux écrivains, Benson, se convertit au catholicisme en 1903. Il n’est rien de moins que le fils de l’ancien archevêque de Cantorbéry. C’est un esprit raffiné passé par Eton et Cambridge. Il deviendra influent au début du XXe siècle notamment pour la conversion de Knox, et ce pour deux raisons : 1/ par ses livres, Benson a mis Knox « en route vers l’Église catholique » (Knox, 1958 : 215)[28] et 2/ de manière surnaturelle, car Benson pria (Idem)[29] pour la conversion de Knox avant que « la grâce ne triomphât » (Ibid. : 214)[30] de lui après le long combat spirituel qu’il relate dans son Énéide.

Bien que nous nous intéresserons ici davantage au parcours de Benson qu’à celui de Knox pour la raison que lui-même considéra que Benson était « le guide qui l’a[vait] mené vers la vérité catholique » (Ibid. : 161)[31], nous rappellerons que Knox était lui-même fils d’un homme important au sein de l’Église anglicane puisque son père était l’évêque de Manchester. Lui aussi était un ancien d’Eton après quoi il alla suivre des études au Balliol College d’Oxford. En plus de cela, Benson et Knox avaient un double point commun qui a son importance à leur époque : tous deux se sont convertis au catholicisme à la suite de leur recherche de l’autorité[32], autorité qui leur servit ensuite à faire face au monde moderne, comme lorsque Knox, plus « disciple de Manning que de Newman », raconta avec quelle « ferveur » il souscrivit au « serment anti-moderniste » (Ibid. : xx)[33].

À la lecture de la préface où Benson explique qu’il a accepté de publier sous forme de livre son texte[34] après avoir « longuement hésité » (Benson, 1918 : vii), on comprend en lisant ses Confessions d’un converti qu’il a écrit son autobiographie spirituelle ni par exhibitionnisme (Ibid. : xi)[35] ni contre l’Église anglicane puisqu’il « continue à l’aimer maintenant encore » (Ibid. : 177). S’il l’a fait, c’est en fait plutôt pour expliquer qu’il a eu « le devoir de [se] soumettre à Rome » (Ibid. : 183), en d’autres termes pour expliquer pourquoi il a obéi à l’autorité de l’Église catholique et non au monde moderne.

Moins célèbre que le chapitre 4 de l’Apologia de Newman, le chapitre 2 des Confessions est la partie du récit de conversion qui recueille tout le drame qui se joue dans la vie du sujet et dont il définit les étapes. D’un tempérament inquiet, tourmenté par des doutes, Benson vit sa foi sans pouvoir faire autrement que la penser, et c’est ce qui va finalement causer sa défaite spirituelle.

– Première étape dans sa conversion ou ce qu’il nomme « le début de la crise » (Ibid. : 61) : devenu prêtre anglican, l’histoire religieuse anglaise le trouble au point de se poser la question de sa légitimité et de se demander s’il est le véritable successeur des prêtres d’avant la Réforme anglicane. Lorsqu’il interrogea son père devant la difficulté de la phrase du Credo qui dit : « Je crois en la sainte Église catholique » (Ibid. : 65), Benson fut rassuré de la réponse du Primat de l’Église anglicane : « mon père […] n’était pas éloigné d’admettre que les catholiques romains avaient erré assez gravement, dans leurs croyances doctrinales, pour avoir perdu tout droit à figurer dans le corps du Christ. Et sans doute cette réponse me satisfit pleinement » (Idem)[36]. Mais cela ne dura qu’un temps.

– Deuxième étape : lors d’un voyage en France, en Italie puis en Égypte, son « contentement de l’Église d’Angleterre subit un certain choc lorsqu[’il] découvri[t] », dit-il, « quelle très petite chose, et très peu importante, était, en réalité, la communion anglicane » (Ibid. : 67). Comme pour Newman, le voyage en Méditerranée l’émeut. La crise qui se manifeste alors est faite de tensions, « malaises » (Ibid. : 69 ; 81)[37], « troubles » (Ibid. : 81 ; 86).

– Troisième étape : il tente « de [se] rassurer » (Ibid. : 70) et de résister (Ibid. : 71). Pour cela, il lit « des livres de controverses anglicans, et [se nourrit d’un] recueil de sarcasmes anti-catholiques » (Ibid. : 86). Il « mépris[e] » (Ibid. : 70)[38] toujours l’Église catholique et considère « l’Église anglicane […] comme le tronc sain d’un arbre pourri » (Ibid. : 74) alors qu’il lutte, en Égypte, contre l’éveil d’une foi catholique[39]. De retour en Angleterre, il retrouve « une vie extraordinairement heureuse » (Ibid. : 78)[40] et les « troubles disparurent » (Ibid. : 78) pendant une année après laquelle la crainte de se trouver « dans l’erreur » (Ibid. : 81) réapparaît (Ibid. : 86)[41]. Il veut « faire partie de l’Église universelle » (Ibid. : 89), mais de ces « difficultés romaines » d’alors, il en parle comme des « tentations diaboliques » (Ibid. : 92). Il ne veut pas quitter l’anglicanisme (Ibid. : 92-93)[42] et se convertir au catholicisme. Il entre « au monastère anglican de Mierfield » (Ibid. : 95). Il y sera heureux et verra « de tous côtés surgir des conversions [à l’anglicanisme] » (Ibid. : 111). Constatant l’action de Dieu en ces convertis, il remarque alors : « si l’Église d’Angleterre était capable d’être employée par Dieu comme l’instrument d’une tâche si belle, comment aurais-je douté désormais de sa mission surnaturelle ? » (Idem)[43].

– Vient alors la quatrième étape qu’il nomme sa « période d’épreuve » (Ibid. : 92)[44] : la crise progresse jusqu’à ce que, dit-il, « deux livres [vinssent] à [son] secours, le Développement de Newman, et la Déruption doctrinale de Mallock » (Ibid. : 164)[45]. Le rôle d’intermédiaire que joua Newman dans sa conversion ne le convertit pas soudainement (Ibid. : 176)[46], mais grâce à son ouvrage, dit-il, « l’une après l’autre, [ses] difficultés s’évanouissaient » (Ibid. : 175) et « ainsi, pour la première fois [sa] conception idéale de l’Église du Christ [lui] apparaissait à présent pleinement réalisée dans ce que [il] avai[t] coutume d’appeler l’Église de Rome » (Ibid. : 177). « Étonn[é] d’avoir pu [se] tromper à ce point » (Ibid. : 189), Benson regarde sa conversion à la foi catholique sans la moindre gaîté de cœur et de manière complètement froide : « Je ne crois pas que personne soit jamais entré dans la Cité de Dieu avec aussi peu d’émotion que moi. J’avais l’impression d’être devenu absolument insensible ; et je n’éprouvais ni joie ni tristesse, ni crainte ni exaltation. Je voyais devant moi la Vérité, se dressant là comme un pic neigeux, et j’avais à me rendre vers elle » (Ibid. : 207). Pourtant, il est reconnaissant de voir, précise-t-il, « le plan de Dieu à [son] égard se dessiner comme un fil d’or à travers toutes les régions montueuses parmi lesquelles [il a] eu à marcher » (Ibid. : 255). Sa quête d’autorité l’a défait, mais c’est, dit-il, « une voix toute-puissante [qui l’en] eut fait sortir » (Ibid. : 225), celle de Dieu qu’il considère être comme l’auteur de ce triomphe (Ibid. : 255)[47].

À la différence de Knox qui est un logicien, Benson est un artiste pour qui la raison n’a joué qu’un rôle minime dans sa conversion. Si « pour [lui] Newman fut le prophète » (Gorge de la, 1928 : 114)[48], il l’est aussi en tant qu’écrivain[49]. Après sa conversion et jusqu’à l’année de sa mort (en 1914), Benson écrit une quinzaine de romans qui ont tous une teneur apologétique. On retrouve cette quête d’autorité dans celui qu’il écrit à l’époque de son abjuration : Par quelle autorité ? (1904). Benson, dans ses livres, attaque le monde protestant et, dans le sillage de The Ban of Maplethorpe (1875) d’E. H. Dering, il écrit avec zèle pour appeler à la déconversion de l’Angleterre puis à sa reconversion au catholicisme. Conscient de « l’influence » de son œuvre romanesque sur ses lecteurs, Benson pense que la littérature est l’occasion de faire passer le message et ainsi de faire croire[50]. Toutefois, ironiquement, même si ses romans peuvent prédisposer à la religion catholique, Benson le romancier devient partisan d’une littérature apologétique dont la logique est finalement en contradiction avec la logique de la foi, ce qui explique peut-être pourquoi son succès n’a pas duré jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, avec les romans de Benson, on peut dire qu’on est loin de Perte et gain (1848) de Newman, qui n’avait pas pour but d’exercer une pression sur ses lecteurs[51], ou même de Horace Blake (1913), le roman de Mrs Wilfrid Ward qui, sans être un véritable roman de conversion (puisqu’il s’intéresse davantage à ses effets qu’à ses causes), mériterait d’être encore lu aujourd’hui comme le sont toujours ceux des écrivains qui nous intéressent dans la troisième partie de cet article.

III. Le sujet face à l’appel au sacrifice

Si les romans de Benson ne passent pas le siècle, s’ils ne sont plus réédités et sont devenus de plus en plus difficiles à trouver sur le marché du livre d’occasion, c’est aussi le cas pour les romans de conversion au catholicisme de nombreux autres auteurs de la deuxième moitié du XIXe siècle aux années 1920[52]. Alors que ces romans de conversion font montre parfois de qualités historiques sur la période antique ou celle de la Réforme anglicane, beaucoup d’entre eux partagent les défauts d’être soit teintés de sentimentalisme, soit empreints d’un didactisme trop fortement marqué (Griffiths, 2010 : 25). À contre-courant de leur époque, à contre-courant aussi des goûts littéraires du monde moderne, ces romans font pâle concurrence face à la littérature sécularisée de leur temps, et les critiques ne se gêneront pas pour le dire[53].

Cette situation est due en partie à l’influence de Manning (1802-1865) sur son époque. Grand défenseur de l’autorité de Rome, Manning est opposé à tout accommodement du catholicisme avec le monde moderne, et il a les faveurs de son époque. Quant à Newman, il est moins fermé culturellement aux influences intellectuelles du monde extérieur. Comme il ne se place pas systématiquement en réaction par rapport au monde moderne, cela vaudra à son opinion d’être bien accueillie lors de la crise moderniste, et Newman aura donc les faveurs de l’époque suivante. L’histoire a finalement montré la victoire de l’opinion de Newman sur celle de Manning, mais elle a mis du temps à se dessiner. Or, cela a des conséquences pour l’histoire de la littérature.

Ces romans de conversion anglais écrits jusque dans les années 1920 ne vieillissent pas bien, à la différence de ceux écrits, à la fin de la période qui nous concerne, par deux éminents convertis, Evelyn Waugh (1903-1966) et Graham Greene (1904-1991). Comment expliquer cela ? Peut-être est-ce une question de talent littéraire — Waugh et Greene sont deux des plus grands romanciers du XXe siècle. Peut-être est-ce aussi — et surtout ? — parce qu’ils ont réussi à trouver le moyen de parler de questions religieuses en les mêlant à des histoires de crime ou d’amour, ou en recourant à des genres de littérature populaire[54]. Aussi, il faut dire que contrairement aux générations précédentes, ces romanciers avaient déjà derrière eux une brillante carrière d’écrivain lorsqu’ils ont commencé à écrire sur la question de la conversion ; ils maîtrisaient donc parfaitement les codes du roman moderne, notamment celui de l’ambiguïté, l’importance de peindre une réalité complexe et celui de suggérer plutôt que d’imposer une conclusion à leurs lecteurs. Enfin, et c’est lié, une autre caractéristique de ces écrivains pourrait être que leurs romans de conversion sont sans apologétique. Du moins, quand ils ne sont pas déroutants du point de vue moral ou théologique tellement le contraste entre le monde moderne et l’Église s’est estompé dans certains romans, ces récits de conversion sont sans l’apologétique telle qu’elle était pratiquée au XIXe siècle et début du XXe siècle. Pour être précis, nous dirons que contrairement aux auteurs catholiques de la génération précédente, Waugh et Greene, en introduisant parfois « des “situations paradoxales et extraordinaires” » (Greene, 1981 : 211), apportent moins de réponses au lecteur appartenant au monde moderne qu’ils ne lui posent des questions. En ce sens, ces écrivains sont dans la continuité de ce à quoi Newman appelait fortement et clairement dans son Idée d’université au sujet de la littérature :

Je dis que, par définition, si l’étude de la littérature doit devenir une étude de la nature de l’homme, vous ne pouvez avoir une littérature chrétienne. […]. Vous pouvez constituer de toutes pièces quelque chose de très grand, très élevé, beaucoup plus élevé que tout ce qui s’est jamais écrit jusqu’à ce jour dans aucune littérature : quand vous aurez achevé votre œuvre, vous vous rendrez compte que rien de cela n’est de la littérature (Newman, 2007 : 412)[55].

Il n’est pas fortuit que l’on trouve donc, comme il le reconnaît, l’influence de Newman et son idée d’une littérature sans apologétique derrière son projet littéraire : « C’est le “facteur humain” qui m’intéresse, pas l’apologétique » (Greene, 1981 : 212)[56]. Pourtant, à y regarder de plus près, Waugh et Greene sont bien des auteurs de romans de conversion[57] qui ne cachent pas l’opposition de forces métaphysiques à l’œuvre dans le monde de la première moitié du XXe siècle. Eux aussi traitent de la conversion au catholicisme, et eux aussi témoignent à leur façon de la question du triomphe de la foi et de la défaite du sujet qui ne fait plus sa volonté. Ces romans ont en effet pour point commun que la conversion passe par la mise à l’épreuve du sujet qui se convertit après une longue lutte et beaucoup de résistance, puis « pour l’amour de Dieu », dit Greene, fait un sacrifice, que ce soit le sacrifice l’amour de soi (jusqu’au martyre du prêtre au whisky comme dans La Puissance et la gloire ou le suicide de Scobie dans Le Fond du problème) ou le sacrifice de l’amour de l’autre (comme dans Retour à Brideshead où Charles Ryder renonce à son amour pour une femme catholique séparée de son mari, Lady Julia Flyte, alors qu’ils avaient déjà commencé une vie commune – ou La Fin d’une liaison où il est aussi question d’un adultère, quoi que cette fois-ci, c’est la conversion de Sarah qui lui fait quitter Maurice Bendrix du fait d’une promesse faite à Dieu après une prière exaucée). Alors que « l’œuvre de la grâce divine » est le thème principal qu’annonce Waugh dans la deuxième phrase de sa préface de 1959 à Brideshead (Waugh, 1993 : 1)[58] et qu’on retrouve la présence du travail de la grâce dans les romans de Greene[59], si leurs personnages acceptent librement le sacrifice, c’est aussi pour montrer le meilleur de la nature humaine : ils se diminuent pour que « l’amour de Dieu » grandisse.

Cela mis à part, l’œuvre de Waugh et celle de Greene[60] appartiennent à deux tendances différentes qu’on rencontre à cette époque (Greene, 1981 : 225)[61]. Alors que Waugh se classe du côté d’une catégorie dans laquelle on trouve Maurice Baring (autre converti auteur d’En passant [1921] où il est aussi question d’opposition entre le dynamisme d’un amour adultérin et la dynamique de la grâce divine, révélation d’un amour divin encore plus grand), Greene se classe plutôt dans la catégorie où l’on inclura plus tard un David Lodge. Comme le résume le critique Richard Griffiths, d’un côté il y a un groupe d’auteurs catholiques avec une foi traditionnelle forte et orthodoxe, de l’autre on trouve un groupe pour qui le rapport à la foi catholique est beaucoup plus compliqué (Griffiths, 2012 : 7) puisque les doutes ou plutôt le « manque de foi » (Greene, 1981 : 211)[62] ne sont pas cachés (par exemple, Greene[63] — qui trouvait « détestable » l’expression d’« écrivain catholique » — se classait lui-même dans la catégorie des « presque déchus » [Greene, 1981 : 229]).

Bien que Marie-Françoise Allain aille jusqu’à parler de « foi torturée » au sujet de Graham Greene (Greene, 1981 : 201)[64], Greene va plus loin que l’utilisation d’un simple motif formel dans le récit en traitant du thème de la conversion[65]. Il s’en explique d’ailleurs à plusieurs endroits. Selon lui, la littérature anglaise de son époque a perdu « depuis la mort de Henry James » son « sens du religieux », conséquence de quoi les personnages ont perdu leur épaisseur et relief (Greene, 1981 : 214-15)[66]. Comme la littérature se doit d’être plus qu’un jeu de formes « dévitalisées » (Greene, 1951 : 70), ce faisant les romans de conversion de Greene (mais aussi ceux de Waugh) ont ainsi permis la revitalisation de la littérature du milieu du XXe siècle qui, avec ces quêtes et défaites, en sort finalement vainqueur.

Concluons en proposant de retenir trois points importants :

Premier point : ces récits et romans de conversion ont pour point commun qu’on y découvre toujours ce que Greene écrit dans La Puissance et la gloire, c’est-à-dire « un moment où la porte s’ouvre et laisse entrer l’avenir » (Greene, 1964 [1940] : 35). Commençant par la quête, le chemin de conversion s’achève par la défaite du sujet. Entre ces deux temps, nous avons souvent rencontré deux autres temps qui nous permettent d’esquisser un schéma de conversion qui serait constitué de quatre étapes : étape 1/ le temps de la quête ; étape 2/ le moment de rencontres et/ou d’émotions ; étape 3/ la crise faite à la fois de résistance et enquête ; étape 4/ la défaite et l’abandon du sujet.

Deuxième point : derrière les quêtes et défaites spirituelles analysées au fil des trois différentes époques identifiées, nous avons vu que tout le drame de la conversion se joue entre trois acteurs : le sujet, Dieu et le monde (entendu comme l’ensemble des objets qui excitent les diverses passions selon qu’ils peuvent nous nuire ou profiter). Lorsque le sujet se trouve en position de défense de sa foi catholique (comme c’est le cas chez Newman), quand il est centré sur Dieu, le sujet est victorieux du monde qui est centré sur lui-même. Puis, lorsque le sujet part en quête d’autorité (comme c’est le cas chez Benson et Knox), c’est Dieu qui se montre victorieux du monde (qui doit se soumettre à son autorité). Enfin, lorsque le sujet est appelé au sacrifice (comme c’est le cas dans les romans de conversions du milieu du XXe siècle), alors Dieu est victorieux du sujet comme membre du monde. Finalement, lors de la conversion à la foi catholique, le sujet est mené de la défaite à une victoire qui le dépasse ou pour citer Newman, qui était un triomphaliste : « la vraie conversion est toujours positive et non négative » (Dulles, 1997 : 21-22)[67].

Troisième et dernier point : après avoir tenté de montrer en quoi Newman est la pierre angulaire du récit et du roman de conversion catholique au milieu du XIXe siècle, nous avons vu l’évolution, ou pour employer un mot important pour Newman, le « développement » pris par le récit et le roman de conversion jusqu’au milieu du siècle suivant. Avec la troisième génération d’écrivains, des caractéristiques assez nettes ressortent et nous permettent de conclure qu’on assiste, entre 1850 et 1950, à un double tournant dans la conversion du sujet dans la littérature :

– a/ on passe d’une époque où le récit de conversion est premier et le roman de conversion secondaire, à une époque où le roman de conversion est premier et où le récit de conversion disparaît quasiment, et

– b/ on passe d’un roman de conversion où le théologique et le philosophique priment sur le littéraire, à un roman de conversion où c’est le littéraire qui vient en premier et le théologique et philosophique en second.

En d’autres termes, en commençant avec Newman et en se terminant quasiment avec Graham Greene, le récit et le roman de conversion au catholicisme en Angleterre, ont une histoire qui se situe à la fois à l’intérieur de l’histoire de la littérature anglaise et à l’intérieur de l’histoire de l’écriture de la foi catholique.


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[1] « La conversion procède d’une effusion intime, d’un soulèvement intérieur. C’est une “catastrophe” (ce mot est employé à la fois par Bloy et par Jouve), un “baptême de désir” (Bloy), une metanoia, une mutation de tout l’être ».

[2] « il n’est pas de conversion rétive, passive ou malgré soi ; au cours de cette révolution intérieure qui met en rapport avec soi-même, un événement physique coïncide avec la conscience ».

[3] « suffering was indeed the keynote of these conversions. Newman, in his Apologia, speaks of that unhappy period when he was on his ‘deathbed’ as regards membership of the Church of England. The metaphor is an apt one, and we know that the deathbeds of so many Victorian Anglicans, far from being peaceful and painless, were beds of anguish, full of tragedy, torment and spiritual suffering of the keenest kind. Rejected by their families, mourned by their friends and abused by their enemies, these ‘perverts’ frequently ended their Anglican days in great loneliness and distress, and only after enduring the most grievous conflicts and sorrows did they finally pass over to the other side » (Maison, 1961 : 139). Voir aussi : « Des conversions retentissantes, comme celle de Newman, qui soulevèrent d’abord une réprobation indignée, durent être reconnues comme le résultat de convictions profondes, le choix légitime d’âmes en quête de certitude et de stabilité. La gloire du grand converti, que nul ne songea à exclure de la famille Britannique — pas même Kingsley, lorsqu’il l’attaqua publiquement — fit beaucoup pour réhabiliter une forme de foi où l’Angleterre ne voyait plus depuis longtemps qu’esclavage et superstition » (Cazamian, 1955 : 357).

[4] Puisque les auteurs des récits de conversion ne sont pas nécessairement des écrivains, nous ne considérerons pas leurs textes comme appartenant à un genre littéraire spécifique.

[5] « as a Protestant, I felt my religion dreary, but not my life – but, as a Catholic, my life dreary, not my religion ».

[6] Comme Newman le rappelle à sa sœur le 6 avril 1833 : « Oh that Rome were not Rome; but I seem to see as clear as day that a union with her is impossible ».

[7] « In the matter in question, viz. Conversion, my own feelings were not violent, but a returning to, a renewing of, principles, under the power of the Holy Spirit, which I already felt, and in a measure acted on, when young ».

[8] « la force motrice qui le poussait sur le chemin de la conversion était la conscience ». Benoît XVI précise ensuite dans son discours à l’occasion de vœux à la Curie romaine, le 20 décembre 2010, soit quelques mois après la béatification de John Henry Newman, ce que Newman entend par l’emploi du mot « conscience » : « qu’entend-on par cela ? Dans la pensée moderne, la parole “conscience” signifie qu’en matière de morale et de religion, la dimension subjective, l’individu, constitue l’ultime instance de la décision. Le monde est divisé dans les domaines de l’objectif et du subjectif. A l’objectif appartiennent les choses qui peuvent se calculer et se vérifier par l’expérience. La religion et la morale sont soustraites à ces méthodes et par conséquent sont considérées comme appartenant au domaine du subjectif. Ici, n’existeraient pas, en dernière analyse, des critères objectifs. L’ultime instance qui ici peut décider serait par conséquent seulement le sujet, et avec le mot “conscience” on exprime justement ceci : dans ce domaine peut seulement décider un chacun, l’individu avec ses intuitions et ses expériences. La conception que Newman a de la conscience est diamétralement opposée. Pour lui “conscience” signifie la capacité de vérité de l’homme : la capacité de reconnaître justement dans les domaines décisifs de son existence — religion et morale — une vérité, la vérité. La conscience, la capacité de l’homme de reconnaître la vérité lui impose avec cela, en même temps, le devoir de se mettre en route vers la vérité, de la chercher et de se soumettre à elle là où il la rencontre. La conscience est capacité de vérité et obéissance à l’égard de la vérité, qui se montre à l’homme qui cherche avec le cœur ouvert. Le chemin des conversions de Newman est un chemin de la conscience — un chemin non de la subjectivité qui s’affirme, mais, justement au contraire, de l’obéissance envers la vérité qui, pas à pas, s’ouvre à lui ».

[9] « When men change their religious opinions really and truly, it is not merely their opinions that they change, but their hearts; and this evidently is not done in a moment – it is slow work ».

[10] « ce n’était pas la logique qui m’entraînait ».

[11] Newman doit s’expliquer devant un public « qui garde un a priori de défiance », comme le rappelle Jean Honoré dans son liminaire (in Newman, 2008 : viii).

[12] Le mot « conversion » est la traduction de deux termes grecs rencontrés dans la Bible : le terme epistrophê qui signifie se retourner, modifier son orientation, son itinéraire et le terme metanoïa qui renvoie à l’idée d’un repentir, un changement de pensée, une démarche intérieure et secrète, indépendante de l’adhésion à une confession religieuse. Voir la notice « conversion » dans www.universalis.fr (consulté le 17 avril 2018).

[13] Notamment celles de Thomas Paine, de David Hume et de Voltaire.

[14] Un évangélique calviniste, « le révérend Walter Mayers de Pembroke College à Oxford » (Newman, 2008 : 120).

[15] Cette conversion, qui n’est pourtant pas typique des conversions évangéliques, est ce que Benoît XVI qualifie de « tournant copernicien » (Benoît XVI, 2010).

[16] « Newman’s growing consciousness of God’s immediate presence gradually dispelled every temptation to atheism, deism, and autonomous humanism ».

[17] Conversion dont il était bien évidemment conscient — il précisera dans l’Apologia : « à présent encore, j’en suis plus certain que d’avoir des pieds et des mains » (Newman, 2008 : 121). Tout ce qu’il va se passer dans sa vie sera toujours dans le prolongement de cette première expérience, même une fois devenu catholique.

[18] Comme les évangéliques, dont Newman était proche depuis sa première conversion, sont anti-dogmatiques, la branche évangélique de l’Eglise anglicane ne lui est d’aucune aide pour sa défense, explique Avery Dulles : « The Evangelical party of the Church was no help in the struggle against liberalism, for the Evangelicals were themselves anti-dogmatic » (Dulles, 1997 : 27). Newman, prêtre anglican depuis ses 23 ans, se tourne donc vers d’autres armes pour se défendre contre l’adversaire du moment.

[19] Newman découvre alors ce qu’il appelle la « dimension catholique » de l’Eglise, soit sa dimension universelle. Il découvre aussi l’importance de l’« apostolicité », c’est-à-dire l’enracinement dans une tradition qui remonte jusqu’aux apôtres. Et tout cela dans une Eglise anglicane qui se voit alors comme une Eglise nationale et qui, à l’époque, se considère elle-même comme protestante.

[20] Après avoir beaucoup étudié les textes des Pères de l’Eglise, en 1839 Newman se rend compte d’une analogie entre l’Eglise anglicane à son époque et la position dans laquelle se trouvaient les églises ariennes dans les premiers siècles.

[21] « la condamnation du Tract 90 par le public et les évêques ».

[22] Lorsque Newman écrit : « on pouvait, grâce [au principe du développement], prouver que la Rome moderne était en vérité ce que furent jadis Antioche, Alexandrie et Constantinople » (Newman, 2008 : 373), il dit que l’Eglise de Saint-Augustin, de St Ambroise, de Saint-Jean Chrysostome, etc. est, à son époque, l’Eglise catholique romaine.

[23] « La via media disparut alors pour toujours ».

[24] « Oh ! combien tout cela me rendit malheureux ! ».

[25] Sheridan Gilley, biographe et spécialiste de Newman, écrira qu’« un converti est quelqu’un qui est passé par l’eau et le feu. […]. Sa décision est une question de vie ou de mort. […]. Avec la conversion vont les larmes, le chagrin tout comme la joie ».

[26] Troisième défaite spirituelle donc pour Newman avec la défaite de sa défense de l’anglocatholicisme et troisième conversion, conversion qui doit être entendue comme epistrophè, c’est-à-dire comme son changement de confession religieuse, mais pas comme changement intérieur puisque Newman insistait d’ailleurs sur la continuité qui existe entre ses idées lorsqu’il était anglican et celles qui étaient les siennes une fois devenu catholique, idée que reprend S. Gilley en mettant le doigt sur le paradoxe : « His insistence on the continuities of his own life declares that a convert is someone who discovers he is wrong, but also in some profound sense that he is already right » (Ibid. : 9).

[27] Écrite juste après son entrée dans l’Eglise catholique.

[28] « Hugh Benson […] had set my feet on the way towards the Church ».

[29] « I did not know then that he used to pray for my conversion ».

[30] « I knew that grace had triumphed ».

[31] « I always looked on [Benson] as the guide who had led me to Catholic truth ».

[32] « For authority played a large part in my belief, and I could not now find that any certain source of authority was available outside the pale of the Roman Catholic Church. Once inside, I should not care how the authority came to me » (Ibid. : 212). L’importance de la question de l’autorité chez Benson se retrouve même dans sa fiction. Sur ce point, nous renvoyons à son roman historique Par quelle autorité ? (1904).

[33] « I came into the Church, it seems to me, in a white heat of orthodoxy, Manning’s disciple more than Newman’s; and when I took the anti-modernist oath, it was something of a disappointment that the Vicar-General was not there to witness the fervour I put into it—he had gone out to order tea ».

[34] D’abord publié dans une revue américaine en 1906-1907.

[35] « j’ai profondément conscience de tout ce qu’il y a de choquant dans l’ ”égotisme” ininterrompu de pages comme celles-là ».

[36] Nous donnons la citation complète : « “Par exemple, ajoutai-je, les catholiques romains font-ils partie de l’Eglise du Christ ?” Mon père demeura un moment silencieux, puis il me dit que Dieu seul savait de manière certaine ceux qui étaient ou qui n’étaient pas membres de son Eglise. Quant à lui, mon père, il n’était pas éloigné d’admettre que les catholiques romains avaient erré assez gravement, dans leurs croyances doctrinales, pour avoir perdu tout droit à figurer dans le corps du Christ. Et sans doute cette réponse me satisfit pleinement ».

[37] « ce malaise croissant » (Ibid. : 69), « il m’arrivait bien parfois […] d’avoir des moments de malaise » (Ibid. : 81).

[38] « mon ancien mépris pour le catholicisme ».

[39] A Louqsor : « pour la première fois, quelque chose qui ressemblait à une foi expressément catholique s’est éveillé en moi » (Ibid. : 69), puis au Caire (Ibid. : 71).

[40] « je commençais pour la première fois à prendre conscience d’une aspiration instinctive vers la communion catholique ».

[41] « je finis même par être plongé dans une inquiétude pénible. Mais cette inquiétude, je pus le constater dès lors, avait sa source beaucoup plus dans la région des sentiments que dans celle de l’intelligence ».

[42] « aucune pensée de pouvoir jamais abandonner la communion anglicane ne m’apparaissait concevable ».

[43] Nous donnons la citation complète : « Comment douter que la grâce de Dieu fût à l’œuvre avec nous ? Et, si l’Eglise d’Angleterre était capable d’être employée par Dieu comme l’instrument d’une tâche si belle, comment aurais-je douté désormais de sa mission surnaturelle ? »

[44] Pourtant, « [sa] confiance dans la valeur divine de l’Eglise d’Angleterre recommençait […] à s’ébranler », (Ibid. : 117).

[45] Avant de préciser un peu plus loin : « Mais surtout c’était le livre fameux de Newman lui-même qui, comme un magicien, effaçant de moi les derniers nuages, me permettait d’apercevoir la Cité de Dieu dans toute sa force et toute sa beauté ». Et encore : « je n’en suis pas moins forcé de reconnaître que c’est surtout le livre de Newman qui m’a indiqué les faits, qui a transporté mon regard de tel point à tel autre, et qui m’a montré de quelle manière le glorieux monument tout entier se dressait sur les fondements immuables de l’Evangile, pour s’élever de là jusque dans le ciel » (Ibid. : 173).

[46] « Je ne dis pas que toutes mes difficultés s’en soient allées d’un seul coup ».

[47]  « il existe une cohésion entière dans tout ce que Dieu a fait ».

[48] « Quand on lui demandera : “Qui vous a converti ?” il répondra : Newman ; il ajoutera : “Pour moi, il fut le prophète.” ».

[49] Bien qu’il fût aussi influencé par Huysmans.

[50] En d’autres termes, alors qu’il était lui-même en quête d’autorité, une fois devenu auteur, Benson se place en position d’autorité auprès de ses lecteurs. A ceux qui le félicitaient de ses sermons, Benson répondait : « “Mes romans sont bien meilleurs. Ils atteignent un public plus vaste, exercent une influence plus durable” » (Lory, 1995 : 211-12).

[51] « On a déjà eu occasion de noter son respect scrupuleux de l’indépendance de chaque conscience. S’étant converti à lui seul, par l’action de la grâce, et n’ayant jamais supporté qu’avec impatience les interventions extérieures, il lui semble qu’il doit en être ainsi pour les autres. […]. Sur ces âmes qui lui ont été si proches, il se défend d’exercer aucune pression » (Thureau-Dangin, 1903 : 11-12).

[52] On citera par exemple, dès l’époque de Newman, Fabiola. Conte des catacombes (1854) de Nicholas Wiseman, roman qui fut pourtant très populaire en son temps.

[53] Robert Lee Wolff, de l’université de Harvard, n’ira pas par quatre chemins : « One may leave to psychologists the decision as to the relative elements of voyeurism, sadism, and masochism in Wiseman’s personality and writings, but at the very least a modern reader will discover in Fabiola a large element of grand guignol » (Wolff, 1977 : 64).

[54] Voir Margaret M. Maison : « the common reader of today, who neither understands nor appreciates the complicated theological traditions of his forefathers, and who generally finds crime more exciting than religion in fiction » (Maison, 1961 : 340).

[55] Voir sa neuvième conférence « Obligations de l’Eglise à l’endroit du savoir ».

[56] Voir la citation complète de Greene : « Le cardinal Newman, dont la lecture m’a beaucoup influencé après ma conversion, niait l’existence d’une littérature “catholique”. Il reconnaissait seulement la possibilité d’une dimension religieuse supérieure à la dimension littéraire, et écrivait que les livres devaient d’abord traiter de ce qu’il appelait dans les termes de l’époque “le destin tragique de l’homme en sa déchéance”. Je suis d’accord avec lui. C’est le “facteur humain” qui m’intéresse, pas l’apologétique ».

[57] Pour ne citer que les plus connus de ces romans : La Puissance et la gloire (1940), Le Fond du problème (1948), La Fin d’une liaison (1951) et Retour à Brideshead (1944).

[58] « Its theme – the operation of divine grace on a group of diverse but closely connected characters ».

[59] Marie-Françoise Allain parle « des personnages tels que le prêtre ivrogne, traqué par la Grâce ; Sarah, elle aussi requise par Dieu dans La Fin d’une liaison ; Scobie qui, dans sa solitude et son orgueil, se tourne encore vers le Christ » (Greene, 1981 : 211).

[60] Chez Waugh et Greene, qui étaient amis et se lisaient de manière critique, leur conversion au catholicisme a ceci de commun qu’elle fut intellectuelle et sans émotion, dans les deux cas. Alors que Greene fait dire à Sarah, rattrapée par la grâce : « J’ai attrapé la foi comme on attrape une maladie. Je suis tombée croyante comme on tombe amoureuse », il confia : « j’aurais bien aimé que ma foi ressemble à la sienne » (Ibid. : 204).

[61] « J’étais très lié à Evelyn Waugh, dont le catholicisme, par son orthodoxie, se heurtait au mien ».

[62] « Mes livres sont seulement le reflet de la foi ou du manque de foi ».

[63] « voici que l’on découvrait en moi — quelle expression détestable ! – un écrivain catholique. […]. Depuis Rocher de Brighton, j’ai été obligé de déclarer à de nombreuses reprises que je n’étais pas un écrivain catholique, mais un écrivain qui se trouve être catholique » (Greene, 1980 : 73).

[64] « [Graham Greene] renvoie l’image d’une foi torturée, vacillante… inexpugnable ».

[65] Puisque Greene donne « aux personnages que la justice des hommes condamnerait une possibilité d’être sauvés » (Ibid. : 213).

[66] « Je crois que l’absence de relief des personnages de E. M. Forster, de Virginia Woolf ou de Sartre, par exemple, comparée à la surprenante vitalité de Monsieur Bloom dans l’Ulysse de Joyce, ou du père Goriot, ou de David Copperfield, tient à l’absence de dimension religieuse chez les premiers. Les personnages de Mauriac sont également dotés de cette étrange épaisseur. […] il me semble que très peu de bons écrivains ont émergé du monde communiste, à l’exception d’un Soljenitsyne ou d’un Pasternak ou d’un Sinyarsky qui, justement, ont conservé ce sens du religieux ».

[67] « As he wrote in Tracts for the Times, No. 85, ”the religious mind is drawn from error to truth ‘not by losing what it had, but by gaining what it had not. (…) True conversion is ever of a positive, not a negative character” ».